Quand Alia Al-Hallaq, 33 ans, parle des rêves de Mohammed, son fils de 9 ans et demi, elle peine à retenir ses larmes. « Il voulait devenir chirurgien cardiaque, pour entendre “le docteur Mohammed est demandé aux urgences”, dans les haut-parleurs d’un hôpital », raconte la mère de famille au voile imprimé léopard, rencontrée fin octobre, dans sa maison d’Al-Rihiya, un village isolé au sud de Hébron (Cisjordanie occupée), entourée de Sila, Wajdi, Maïs et Elias, ses quatre autres enfants. Mohammed ne sera jamais médecin. Le 16 octobre, le petit garçon a été tué d’une balle tirée par un soldat israélien.
Le jour de sa mort, le troisième enfant de la fratrie Al-Hallaq se réjouissait de son nouveau sac à dos bleu, récemment offert par l’Unicef. Comme tous les jours, l’enfant au regard calme et concentré avait enfilé sa tenue d’écolier avant d’aller réveiller sa mère. En revenant chez lui, vers midi, Mohammed s’est arrêté de longues minutes près d’un nid d’oiseau. Il aimait admirer les souimangas de Palestine, ces passereaux habitués des collines arides.
Après un déjeuner rapide, le fan de football est parti jouer avec des camarades d’école, sur la seule aire de jeux de la localité, à quelques dizaines de mètres de sa maison. Quand les Jeep militaires ont traversé le village à toute vitesse, la dizaine d’enfants paniqués a fui dans toutes les directions. Mohammed, lui, a couru vers la maison de ses grands-parents, sur les hauteurs. A 10 mètres à peine de la porte, il se retourne, les bras croisés, pour observer le convoi surarmé, en contrebas. Le tir, qui a traversé son corps d’une hanche à l’autre, ne lui a laissé aucune chance. Selon plusieurs témoins, le soldat aurait ensuite levé son arme en l’air, comme un signe de célébration. Contactée, l’armée n’a pas répondu sur ce point.