La COP30 s’ouvre à Belem, au Brésil, dans un contexte critique. La planète est en surchauffe, l’humanité en danger, mais le droit censé protéger l’environnement avec un arsenal de près de 500 traités internationaux, des constitutions, des codes, des lois, des chartes… semble impuissant à sauvegarder les conditions essentielles à la vie sur Terre. Pourquoi ? Certaines causes sont connues : le manque d’ambition politique, les contingences économiques, les attaques organisées contre les lois protectrices de l’environnement…, mais elles n’expliquent pas tout. Alors, qu’est-ce qui, dans le cœur du droit, le rend actuellement incapable de répondre à l’enjeu existentiel de notre siècle : l’urgence climatique et écologique ?
Cette énigme nous a réunis il y a près de dix ans, et a inauguré une enquête au long cours entre un juriste et un philosophe qui nous a finalement permis d’exhumer un point aveugle fondamental du droit, situé dans le « découplage temporel » entre les fondements historiques du droit et la vitesse des évolutions techno-économiques.
Comme le dit le biologiste américain Edward Wilson (1929-2021) lors d’une conférence donnée à Cambridge en 2009 : « Le vrai problème de l’humanité est le suivant : nous avons des émotions paléolithiques, des institutions médiévales et les technologies d’un dieu. » Notre droit est comme une cathédrale dont les plans ont été dessinés à une époque où l’humanité ne disposait pas encore des moyens extractivistes de fragiliser les conditions d’habitabilité de la Terre, et où elle ne pouvait pas concevoir qu’une économie illimitée en serait un jour capable. Ce point aveugle a généré un défaut structurel fondamental : la protection des conditions de la vie n’a pas été valorisée à la hauteur des enjeux au sein de la hiérarchie du droit. Les siècles ont consacré la liberté, l’égalité, la dignité – mais pas l’habitabilité.
C’est bien là pourtant, dans le foyer de la vie qui conditionne toutes les libertés, que réside un remède majeur à l’impuissance du droit. Les scientifiques le montrent, comme la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dans son rapport de 2024 sur « l’évaluation des liens d’interdépendances entre la biodiversité, l’eau, l’alimentation et la santé » : ce sont les interdépendances entre les vivants qui permettent aux formes de vie humaines et autres qu’humaines d’exister et de prospérer, et donc qui rendent la Terre habitable.