Ecouis, le refuge normand des jeunes déportés de Buchenwald

David Perlmutter avait 8 ans quand il a été évacué de Buchenwald, en juin 1945. Il a pris le train dans un vrai wagon de voyageurs et a débarqué dans le centre de santé d’Ecouis, dans l’Eure. Jusque-là, l’enfant juif ne savait pas ce qu’était jouer, sauf à considérer comme tel ce cache-cache avec la mort qui fut son quotidien dès 1939 et l’invasion de la Pologne par Hitler. En France, « je suis redevenu un enfant », résume celui qui était devenu trop tôt et si brutalement un adulte.

En arrivant en Normandie, David Perlmutter avait déjà expérimenté le geste qui sauve et celui qui tue. Il avait mesuré ce qu’était la chance ou le destin. Il était âgé de 5 ans quand, le 14 octobre 1942, à la liquidation du ghetto de Piotrków (Pologne), il fut conduit du côté droit, du côté des miraculés, avec son père et deux cousins, alors qu’il tenait la main de sa tante ; le SS la trouvait si jolie qu’il ne prit pas garde, semble-t-il, au gamin qui traînait dans ses jupes. Sa mère, le reste de sa famille et 90 % de la file furent dirigés du côté gauche, vers le camp d’extermination de Treblinka.

A l’âge où l’on découvre l’école, David Perlmutter avait été envoyé travailler dans une usine de fabrication de verre en Pologne. Il était analphabète mais soupesait la valeur d’un quignon de pain et savait jusqu’où la férocité des hommes pouvait aller. En janvier 1945, il avait survécu au transfert vers le camp de Buchenwald. Là, il avait connu intimement la mort, à commencer par celle de son père, parti d’épuisement et de maladie trois jours avant la libération du camp, le 11 avril. Après qu’il eut ainsi défié la camarde, que pouvaient lui apprendre les animateurs et surtout animatrices qui l’accueillirent dans le manoir d’Ecouis, ce 6 juin 1945 ? Rien de moins qu’à jouer, à rire, à courir, à chanter. A redevenir un enfant, en effet.

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