« Notes à John », de Joan Didion : le feuilleton littéraire de Tiphaine Samoyault

La publication aux Etats-Unis de Notes to John, en avril, a rouvert le débat sur l’édition des textes posthumes. Lorsqu’elle est morte, en 2021, à l’âge de 87 ans, Joan Didion était au sommet de sa gloire, qu’elle avait acquise petit à petit, en faisant d’abord des reportages sur l’Amérique dans des grands magazines, publiés ensuite en volumes qui lui ont assuré une importante reconnaissance dans son pays. Avec ses premiers textes personnels, au croisement de l’autobiographie et de l’essai, elle a acquis une célébrité mondiale. L’Année de la pensée magique (Grasset, 2007) a été un best-seller dans son pays avant de le devenir dans les quelque trente langues dans lesquelles il a été traduit. Il était donc logique que son éditeur, Knopf, profite de sa grande notoriété pour tirer profit des moindres rogatons laissés dans les tiroirs, et qu’en retour il soit accusé de cela.

Cette inquiétude était peut-être un argument publicitaire supplémentaire pour un livre qui n’en avait finalement pas besoin. Notes à John est un texte magnifique, qu’on peut lire sans savoir préalable, ni sur l’autrice ni sur les circonstances de la publication. Il rejoint ainsi d’autres grandes œuvres posthumes, comme Pétrole, de Pier Paolo Pasolini (Gallimard, 1995), ou Journal de deuil, de Roland Barthes (Seuil, 2009), auxquelles les auteurs n’avaient pas donné forme de leur vivant. Ces livres tirent peut-être précisément leur force de n’être pas « voulus », concertés, autorisés : comme si leur évidence, leur nécessité, s’imposaient d’elles-mêmes, en dehors des auteurs. Les fiches écrites durant le deuil de sa mère, qui le laissait sans force et presque sans voix, Barthes envisageait de les insérer dans le projet de roman qui l’a accompagné les dernières années de sa vie. Mais la vérité est qu’il ne savait pas « quoi » en faire exactement. Comme Joan Didion semble-t-il, il a abandonné à d’autres, au futur, le soin de décider pour lui.

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