Un jour, à Trieste, le jeune Paolo Rumiz s’est mis à avoir des fourmis dans les jambes – formiche nei pantaloni, disent les Italiens. Il n’était encore qu’un écolier de 9 ans, mais son instituteur venait de lui offrir les carnets de voyage de Christophe Colomb. Des pages qui avaient immédiatement déclenché chez lui une formidable envie d’ailleurs, une soif qui ne devait plus le quitter jamais… A l’âge adulte, Rumiz est devenu reporter à La Repubblica, où il a notamment couvert les guerres de Bosnie et d’Afghanistan. Puis il a bourlingué à travers l’Europe, en train, à vélo, à pied, en canot, en bateau. Il a descendu les 700 kilomètres du Pô (Pô, le roman d’un fleuve, Hoëbeke, 2014), longé les confins orientaux de l’Europe, de Mourmansk à la mer Noire (Aux frontières de l’Europe, Hoëbeke, 2011), sillonné la Galicie sur les traces de son grand-père, triestin lui aussi, et engagé malgré lui, en 1914, dans les forces austro-hongroises (le splendide Comme des chevaux qui dorment debout, Arthaud, 2018).
Nourri des livres de ses pairs, les illustres Nicolas Bouvier (1929-1998) ou Ryszard Kapuscinski (1932-2007), il s’est affirmé comme l’un des meilleurs écrivains voyageurs de sa génération. Ses ouvrages ne sont ni des romans ni des reportages, mais des textes frontières, où le réel se mêle à une mythologie frémissante, sans jamais rien concéder au pittoresque. Avec aussi, en filigrane, une dimension européenne et spirituelle, comme dans Le Fil sans fin (Arthaud, 2023), où d’une abbaye bénédictine à une autre, son voyage se fait peu à peu pèlerinage.