L’affiche dit « Tour de France », mais il faudrait comprendre « Festival du rire ». Un petit cabaret-spectacle est dressé au sommet du plateau de Beille (Ariège), au terme de l’étape de montagne disputée ce dimanche 14 juillet. Les plaisanteries pétaradent sitôt après la ligne d’arrivée. A l’évidence, un reconstituant aussi vital que les boissons riches en sucres et en sels minéraux. Une façon aussi pour les coureurs de se mettre à distance avec la lutte pour le maillot jaune, qui les dépasse. Une protection, une échappatoire.
L’un des meilleurs sketchs est improvisé par les coureurs de Decathlon-AG2R La Mondiale.– Bruno Armirail [tapotant sur l’épaule de son coéquipier Nans Peters] : « Bonjour Monsieur, vous étiez dans la course ? Je ne vous ai pas vu de la journée… »– Nans Peters : « Haha, ne commence pas… Au fait, qui c’est qui gagne ? »– Le responsable de communication, Baptiste Ollier : « C’est [Tadej] Pogacar, avec 1 min 08 s d’avance sur [Jonas] Vingegaard. »– Peters : « Hahahahaha. Et Felix [Gall], il termine combien ? »– L’attaché de presse : « Il fait une très bonne course, il fait dixième mais il perd plus de cinq minutes [5 minutes et 57 secondes]. »– Paul Lapeira, champion de France en titre : « Waouh, c’est vraiment des écarts d’en… »
Toute l’équipe rit, de ce qui ressemble quand même à un malheur collectif, qui la ronge, elle, et tous les participants sur ce Tour de France, sauf deux ou trois cyclistes. Tadej Pogacar (Team UAE-Emirates) échappe au marasme, puisque c’est lui qui le provoque, remportant sa deuxième victoire en deux jours et portant à 3 minutes et 09 secondes son avance sur Jonas Vingegaard (Visma-Lease a bike) au classement général. Vingegaard est l’un des seuls à exister dans les hauteurs de cette tour infernale, comme le troisième homme, le Belge Remco Evenepoel (Soudal Quick-Step), qui évolue à 5 minutes et 19 secondes du maillot jaune. Le reste joue les utilités.
Un coureur anonyme avait prévenu jeudi 11 juillet, entre la traversée du Massif central et les Pyrénées : « C’est la défaite, mais on s’amuse beaucoup dans l’équipe, le moral est bon, on tient comme ça. Beaucoup d’équipes ont décidé de prendre ce Tour de France du bon côté. On ne peut rien faire, autant en rigoler ! »
La domination outrageante de Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard est devenue une habitude depuis trois ans, non seulement sur la Grande Boucle, mais sur d’autres dates au calendrier, et la plupart des équipes, la plupart des coureurs se sont habitués à quémander des miettes. Les perdants ont donc décidé de se moquer des effets de ce « cyclisme à deux vitesses ».