Assises sur une double rangée de bancs, une soixantaine de personnes attendent sous le préau d’un petit bâtiment de Bel Air, quartier populaire de Port-au-Prince, la capitale haïtienne. Autour d’eux, des soignants, reconnaissables à leurs chasubles blanches au logo de Médecins sans frontières (MSF), vont et viennent, d’un air affairé, le front perlé de sueur. Tour à tour, les patients, surtout des femmes et des enfants, sont dirigés vers l’une des salles où ils seront pris en charge par des professionnels haïtiens ou étrangers.
Ce lundi matin de juillet, les consultations vont bon train dans la clinique mobile de la rue Lamarre gérée par l’ONG humanitaire. Deux jours par semaine, ce dispensaire, installé dans les locaux d’une école attaquée et pillée par des bandits armés début avril, reçoit des habitants de ce quartier qui échappe au contrôle des autorités haïtiennes depuis que le chef de gang Kempès Sanon en a fait son fief. A l’instar de Bel Air, ce sont 80 % de l’agglomération de Port-au-Prince qui sont contrôlés par les bandes criminelles.
« C’est une population défavorisée. Nous leur apportons les soins auxquels ils n’ont plus accès », explique une infirmière après avoir examiné une patiente enceinte de cinq mois. Cette professionnelle, qui a requis l’anonymat par crainte d’éventuelles représailles, dit recevoir une trentaine de personnes par jour. « Beaucoup de femmes enceintes, d’infections urinaires et cutanées, et quelques blessures par balle », résume la soignante.
Outre le dispensaire de Bel Air, MSF gère cinq cliniques mobiles, selon un roulement hebdomadaire, dans les quartiers les plus dangereux de Port-au-Prince. Plus d’une centaine de consultations ont lieu quotidiennement sur chacun de ces sites, auxquels s’ajoutent cinq structures hospitalières plus importantes. Les gangs tolèrent la présence des travailleurs humanitaires dans ces centres médicaux et dans leurs véhicules bien identifiés. Cependant, « il y a parfois des problèmes sécuritaires qui nous empêchent de travailler », déplore Mumuza Muhindo, le chef de mission de MSF France en Haïti.
Ces structures humanitaires sont devenues indispensables, dans cette ville où de nombreux établissements de santé ont été vandalisés par les bandes armées. La situation a brutalement empiré en février, lorsque plusieurs groupes ont uni leurs forces et multiplié les exactions afin de faire tomber le gouvernement. Six hôpitaux sur dix « ne sont pratiquement plus opérationnels, en raison de l’escalade récente de la violence à Port-au-Prince », alertait l’Unicef fin mai. « Le système de santé haïtien est au bord de l’effondrement », s’émouvait Bruno Maes, représentant en Haïti de cet organisme onusien.