Il aura fallu six mois d’épineuses tractations pour rencontrer Kameto. « On va y arriver », avait promis plusieurs fois l’attachée de presse du streameur, désemparée par son agenda surchargé. Il est vrai qu’il « n’arrête jamais », de son propre aveu : en direct sur Twitch la nuit, il enchaîne le jour venu les rendez-vous de gestion de ses sociétés et profite de son maigre temps libre pour dormir.
Vendredi 20 septembre, celui qui est partout et nulle part en même temps se trouvera à nouveau sur le devant de la scène. Cette fois en terre inconnue, loin du décor familier qu’il montre quotidiennement dans ses directs, depuis près de dix ans, au quelque 1,9 million d’internautes à le suivre sur la plate-forme de streaming d’Amazon. Vendredi, c’est inédit, Kameto inaugurera un stade.
« Notre stade », a-t-il précisé à ses nombreux fans. A 29 ans, le vidéaste, de son vrai nom Kamel Kebir, va en effet implanter son club d’e-sport, la Karmine Corp (aussi surnommée KCorp ou KC), dans les Arènes d’Evry-Courcouronnes, dans l’Essonne. Ses joueurs professionnels de jeux vidéo se produiront désormais régulièrement devant leurs supporteurs, dans cette infrastructure dont la rénovation s’est achevée en début d’année. Il sait qu’il n’aura aucun mal à en remplir les 3 000 places, tant ses soutiens lui sont fidèles.
Pour lui, c’est l’aboutissement d’un rêve. Celui d’un fils d’immigrés algériens devenu l’un des visages les plus connus du streaming et du jeu vidéo compétitif en France, voire à l’international, dont l’enfance et l’adolescence ont fait germer de nombreux souvenirs tout près d’ici, dans la ville voisine de Corbeil-Essonnes. « Depuis que je suis petit, je me fixe des objectifs compliqués », lâche-t-il dans un large sourire communicatif.
Quand Le Monde le rejoint, par une chaude journée de juillet, dans les bureaux du 20e arrondissement parisien d’où il gère ses activités professionnelles, Kameto apparaît décontracté, en short et claquettes. Une image sans artifice, qui correspond en tous points à celle qu’il renvoie face caméra et qu’il avait présentée en juin 2022 au président de la République, Emmanuel Macron, à l’occasion d’une réception en grande pompe à l’Elysée réservée aux acteurs majeurs de l’e-sport en France.
Cette notoriété, reconnaissable aux foules qu’il déplace autant physiquement, notamment lors des événements annuels KCX, que virtuellement depuis la huitième chaîne Twitch la plus suivie en France, le streameur ne l’aurait pas soupçonnée enfant. Né au mitan des années 1990, Kamel Kebir grandit chez son grand-père à Corbeil-Essonnes, dans le quartier des Tarterêts, avec sa mère. « On était vraiment beaucoup dans l’appartement, il y avait tout le temps du passage, de la famille qui venait d’Algérie », resitue-t-il avec nostalgie. Il a 7 ans quand son père arrive en France « grâce au regroupement familial » et s’installe avec sa famille réunie dans un quartier voisin.