Au poste-frontière d’Aridha, dans l’extrême nord du littoral libanais, le malheur des uns côtoie la détresse des autres, entre deux guerres, celle du Liban et le conflit syrien. Le pont, qui reliait les deux pays, gît dans l’embouchure du Nahr Al-Kabir, le cours d’eau qui marque la séparation entre les deux pays. Il a été ciblé le 27 novembre par trois missiles, le dernier s’abattant moins d’une heure avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu au Liban, à 4 heures du matin.
Vendredi 6 décembre à l’aube, Aridha a de nouveau été attaqué par l’aviation israélienne, interrompant totalement son fonctionnement. Sa réouverture, même très partielle, avait pourtant été célébrée le 2 décembre par le ministre des travaux publics et des transports libanais, Ali Hamie, qui s’était déplacé sur les lieux. Point de passage stratégique, Aridha est le principal poste-frontière qui relie le nord du Liban à la région côtière alaouite et aux villes syriennes de Tartous et de Lattaquié, le bastion dont est issue la famille Al-Assad. Il permet également de rallier Homs, quatrième ville de Syrie, en passe de tomber aux mains de la rébellion.
Bombardé le 3 décembre, le poste voisin d’Abboudiyé, consacré principalement au passage des marchandises, est lui aussi hors fonction, son accès étant bouclé par l’armée libanaise, a pu constater Le Monde. Depuis le mois de septembre, tous les postes-frontières qui relient les deux pays ont été attaqués à plusieurs reprises par Israël, qui affirme vouloir empêcher des transferts d’armes en faveur du Hezbollah depuis la Syrie voisine tandis que des centaines de milliers de personnes les franchissaient, le plus souvent à pied, pour échapper à la guerre au Liban. Entre le 24 septembre et le 22 octobre, environ 440 000 personnes, 71 % de nationalité syrienne et 29 % de nationalité libanaise ont fui les bombardements israéliens frappant le pays du Cèdre pour trouver refuge en Syrie, selon le Croissant-Rouge syrien.
Mais ce 4 décembre à Aridha, les Syriens qui tentent de rentrer au Liban sont pour la plupart déclarés personae non gratae. Dans la poussière, au milieu des gravats et entre les épaves de quelques véhicules carbonisés par le bombardement, seuls les passages à pied sont tolérés côté libanais. « Dans le sens Syrie-Liban uniquement. Et seuls les citoyens libanais peuvent passer. Ou des Syriens qui peuvent prouver qu’ils ont un conjoint libanais », explique un officier de la sûreté générale. Les autres, qui arrivent le regard fatigué, se heurtent à un mur infranchissable.