Douglas Kennedy, écrivain : « Grâce à mes parents, j’ai beaucoup de matière pour mes livres »

Douglas Kennedy, 69 ans, vient de publier son vingt-sixième livre, Ailleurs, chez moi (Belfond, 264 pages, 22 euros), voyage biographique et historique au cœur des Etats-Unis. L’écrivain américain a connu son premier succès international grâce à son roman L’Homme qui voulait vivre sa vie (Belfond, 1998). Depuis, ce New-Yorkais a enchaîné les best-sellers (La Poursuite du bonheur, Les Charmes discrets de la vie conjugale, La Symphonie du hasard, etc.). Il est devenu un observateur privilégié de l’Amérique et partage sa vie entre sa maison, dans le Maine, et ses pied-à-terre à Paris et à Berlin.

… Si j’avais suivi le conseil de mon père de devenir avocat ou homme d’affaires. Je crois que je serais aujourd’hui alcoolique, comme il l’a été ! Quand j’ai commencé à écrire, au début des années 1980, il jugeait cela impossible, me considérait comme un petit branleur intello. Alors, plus tard, quand j’ai connu le succès, il a été fâché. Vraiment.

Mon père, issu d’une famille de militaires, a grandi dans un quartier populaire de Brooklyn, à New York. C’était un homme très conservateur et colérique. Vétéran de la seconde guerre mondiale, il a survécu à la bataille sanglante d’Okinawa, en a été profondément marqué, mais refusait d’en parler. Comme de nombreux hommes de sa génération, il était attaché au conformisme. Très catholique, il s’est ainsi toujours interdit de quitter ma mère, malgré leur union de façade et leurs disputes incessantes.

Oui, mais je refuse de jouer le rôle de victime. Ma mère, juive new-yorkaise élevée dans un quartier petit-bourgeois de Brooklyn, femme au foyer malgré elle, était maniaco-dépressive et franchement assez folle. Mais, grâce à elle, nous sommes restés à New York. Nous vivions dans un petit appartement à Manhattan, dans l’Upper West Side. Ma mère ne s’imaginait pas vivre ailleurs, et redoutait par-dessus tout une vie ennuyeuse en banlieue résidentielle, au milieu des WASP (white anglo-saxon protestant, Anglo-Saxon blanc et protestant).

Grandir à New York a été un immense cadeau. Je n’étais pas très sportif, j’avais peu d’amis, mais cette ville, à cette époque, avait une vie culturelle extraordinaire. J’en ai beaucoup profité. Mon refuge face au dysfonctionnement de ma famille a été l’art et la culture : la bibliothèque de quartier, le cinéma d’art et essai où je voyais parfois deux films par jour, le Museum of Modern Art (MoMA) où j’avais pris un abonnement, puis les formidables clubs de jazz et les spectacles à Broadway où m’invitait mon grand-père maternel.

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