La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé, ce 6 décembre, avoir conclu les négociations de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) débutées il y a vingt-cinq ans. Entrée officiellement en fonction cinq jours plus tôt, la Commission européenne a donc décidé de poser comme premier acte politique fondateur de son nouveau mandat la conclusion d’un accord « viandes contre voitures » qui divise les Etats européens.
L’Allemagne, qui le soutient, n’a trouvé que onze alliés pour signer un courrier favorable à sa conclusion. En plus de la France, les parlements autrichien et néerlandais ont plusieurs fois voté contre, tandis que l’Irlande, la Pologne, ainsi que désormais l’Italie, ont exprimé de vives réserves. La Commission européenne prend donc le risque d’approfondir les divisions européennes, notamment entre les deux principales puissances économiques et politiques de l’UE [Union européenne].
Le choix qu’elle a fait risque d’attiser un peu plus encore la défiance envers les institutions européennes : en France, alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir, deux tiers de nos concitoyens affirment ne plus avoir confiance en l’UE, une hausse de 12 points en deux ans (Ipsos, enquête « Fractures françaises », novembre 2024). La responsabilité de la conclusion des négociations de cet accord de libre-échange est partagée.
Entendre aujourd’hui Gabriel Attal et d’autres anciens ministres macronistes faire porter la responsabilité de la décision d’Ursula Von der Leyen sur la censure du gouvernement Barnier, en plus d’être infondée pour quiconque suit d’assez près la Commission européenne, masque mal les propres responsabilités d’Emmanuel Macron. Ce dernier n’a en effet rien fait pour enterrer l’accord.
L’essentiel du contenu de ce dernier a d’abord été conclu, au printemps 2019, avec l’appui explicite du président de la République. En marge du G20 à Osaka (Japon), le 29 juin de cette année-là, il avait salué un « bon accord » respectant « nos normes environnementales et sanitaires », l’accord de Paris sur le climat et « nos filières sensibles ». Sans cet appui initial, nous n’en serions pas là.
Si l’Elysée a, par la suite, changé de position pour s’opposer à l’accord « en l’état », jamais la France n’a pris d’initiative à Bruxelles pour en modifier le contenu de façon substantielle. Franck Riester, par deux fois ministre du commerce, a toujours affirmé qu’il ne fallait pas « jeter à la poubelle » l’accord UE-Mercosur et Olivier Becht, qui a été chargé de l’intermède, disait, en juin 2023, qu’il fallait « se donner du temps » pour « évidemment (le) conclure ».