On a beaucoup parlé du collège ces derniers temps, du « choc des savoirs » et des groupes de niveau. Le collège ne va pas bien, mais les difficultés des élèves n’apparaissent pas soudainement à leur arrivée en 6e. C’est à l’école primaire que les difficultés des élèves émergent. L’école primaire ne va pas bien non plus et il ne faut pas regarder ailleurs.
D’autant plus que les résultats en mathématiques de l’évaluation 2023 de Timss (Trends in International Mathematics and Science Study) qui concerne les élèves de CM1 sont catastrophiques pour notre pays. Non seulement l’écart entre les filles et les garçons se creuse au détriment des filles, mais est sinistrement confirmé le fait que la France est un des pays au sein desquels la différence de résultats entre les élèves les plus favorisés et les élèves les moins favorisés est la plus importante. Il y a ici une certaine contradiction avec la devise républicaine.
L’engagement professionnel des enseignants du premier degré n’est absolument pas en cause, ils sont les premiers à vouloir la réussite de tous les élèves et à être désolés de ne pouvoir y parvenir de façon satisfaisante. Les causes de cette situation sont anciennes et sont le bilan de plusieurs décennies de gouvernements et de majorités successifs. Notre pays a l’école primaire qu’il a voulue et donc qu’il mérite.
Nous avons attendu 2013 pour commencer à comprendre que nous n’avons jamais donné la priorité budgétaire à l’école primaire. Notre pays marche sur la tête : nous dépensons environ 30 % de plus que les autres pays européens pour le lycée, et 10 % de moins que les autres pour l’école primaire. Nous avons ainsi des effectifs plus chargés qu’ailleurs en maternelle et en élémentaire, et nos enseignants y sont scandaleusement sous-payés. On peut difficilement faire plus mal.
Ensuite, les modalités de recrutement et la formation des enseignants du premier degré ne sont pas adaptées aux besoins des élèves de l’école primaire. La polyvalence, identité de l’enseignant du premier degré, nécessite du temps pour une solide formation, et ce temps fait défaut. Aujourd’hui, faute de formation initiale et continue digne de ce nom, malgré l’engagement des formateurs qui se sont succédé dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) et aujourd’hui les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE), les enseignants du premier degré sont empêchés de décider pleinement de leurs choix pédagogiques et ne sont pas en capacité de concevoir leur enseignement dans la totalité des disciplines et au profit d’élèves différents.