La Syrie a besoin d’un soutien international

Un peu plus d’une semaine après l’effondrement de la dictature de Bachar Al-Assad, le 8 décembre, personne ne peut évidemment dire ce qu’il adviendra de la Syrie. Les contours de la coalition de rebelles, qui a provoqué la chute d’un régime vieux de plus d’un demi-siècle et la mise à nu de son effroyable système répressif, demeurent indéfinis, même si la milice la plus importante composée d’anciens djihadistes, Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), apparaît pour l’instant en position de force, tout comme son chef, Ahmed Al-Charaa (connu sous son nom de guerre, Abou Mohammed Al-Joulani).

Le sort de la Syrie demeure d’autant plus incertain que sa souveraineté reste piétinée par les pays voisins, qui sont les principaux bénéficiaires de cette accélération de l’histoire : la Turquie, au nord, et Israël, au sud. L’une comme l’autre doivent résister à un effet d’aubaine, qu’il s’agisse pour la première de la tentation de se tailler une zone de sécurité sur le sol syrien visant à repousser les forces kurdes présentes dans le nord-est du pays, et pour l’Etat hébreu de briser pour longtemps l’armature d’une armée syrienne dont la guerre civile de treize ans avait considérablement relativisé la menace.

Procéder ainsi relève de calculs à courte vue. Aucun pays de la région, et certainement pas les deux concernés, n’a intérêt à ce que la Syrie parte à vau-l’eau pour se transformer définitivement en Etat failli propice à une résurgence du djihadisme. L’annonce intempestive du renforcement de la colonisation israélienne sur le plateau syrien du Golan occupé et annexé unilatéralement relève à cet égard d’une bien inutile provocation.

Les risques d’une transition incertaine rendent d’autant plus nécessaires les démarches entreprises depuis quelques jours par de nombreux pays qui entendent y jouer un rôle. Tour à tour, les Etats-Unis, la France, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont annoncé une prise de contact ou l’envoi d’une délégation pour rencontrer les forces en présence à Damas, y compris HTC, alors que cette dernière figure toujours sur les listes occidentales recensant les organisations considérées comme terroristes. Ces initiatives sont d’autant plus nécessaires que ces pays ne disposent plus sur place de représentation diplomatique depuis plus d’une décennie.

En quelques jours seulement, la suspicion initiale des pays occidentaux a cédé la place au pragmatisme et il faut s’en féliciter. L’accueil globalement chaleureux réservé par les civils aux rebelles et les efforts déployés avec succès pour qu’un début d’ordre s’installe à Damas comme dans les principales villes syriennes constituent des signaux encore très fragiles mais encourageants.

Les bénéfices d’une stabilisation de la Syrie seraient considérables. Elle permettrait une reconstruction dont la dictature s’est montrée incapable, ce qui a contribué à sa déchéance, et le retour de centaines de milliers de Syriens chassés de leur pays par le chaos qui y a longtemps régné. Pour ce faire, des moyens considérables devront cependant être mobilisés, ce qui suppose la levée de sanctions internationales dévastatrices adoptées pendant la guerre civile, voire le retrait, s’il s’avère justifié, de HTC des listes noires.

Les précédents catastrophiques de l’Irak et de l’Afghanistan à la suite de l’intervention des Etats-Unis pourraient inviter à l’attentisme. La Syrie a besoin au contraire de réengagements.

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