Il n’y a rien dans le Canard Sauvage du Norvégien Henrik Ibsen qui permette à Hedvig, une petite fille, d’échapper au suicide, lequel n’est rien d’autre que sa mise à mort provoquée et quasi programmée par l’égoïsme de son père et le fanatisme d’un homme bien trop épris de vérité. Et il n’y a rien dans l’adaptation et la mise en scène affûtée que signe de ce drame Thomas Ostermeier à l’Opéra Théâtre d’Avignon qui modifie ou édulcore la violence de la tragédie, même si la fillette est devenue une jeune femme du XXIe siècle dont les combats progressistes sont ceux des générations d’aujourd’hui : le féminisme, la précarité, le syndicalisme.
Treize ans après avoir proposé au Festival d’Avignon, un fracassant Ennemi du Peuple, l’artiste allemand reprend langue avec Ibsen, son auteur de prédilection. Difficile de ne pas voir dans sa version du Canard Sauvage une sorte d’autoportrait. Celui d’un homme qui aurait fait le tour de ses possibles et à qui la vie propose un drôle de marché : en finir pour de bon avec l’illusion, quitte à ce que ce soit l’entourage (sa fille, donc, et à travers elle, une certaine idée de l’avenir) qui paye, à sa place, le prix de ses mensonges, de ses inconséquences et de ses fantasmes.