D’ordinaire, Pierre Scaravella réalise tous ses courts-métrages d’animation en noir et blanc. Mais pour la première fois, en juin 2024, il introduit de la couleur sur sa chaîne YouTube, pour décrire les sensations que son cerveau associe spontanément à des chiffres. Le 1 est « beige et orangé », « amical », « modeste ». Le 4 est d’un rouge « profond » et « déstabilisant ». Le 5, son préféré, est « jaune éblouissant, tranchant et glorieux ».

Comme environ 4 % de la population (une proportion certainement sous-estimée), Pierre est synesthète, c’est-à-dire qu’il associe entre elles différentes modalités sensorielles. Pour lui, chaque jour de la semaine et chaque mois a une couleur, et chaque graphème (chiffre ou lettre), une texture, un goût ou une personnalité. D’autres positionnent les marqueurs temporels – par exemple, le calendrier – dans l’espace ou se représentent les goûts à travers des formes géométriques. Une étude publiée en 2011 raconte même le cas de deux sportifs qui attribuent des couleurs à des types de nage ! « On a identifié des dizaines et des dizaines de synesthésies, mais il y en a probablement une infinité », décrit le chercheur Fabien Hauw, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et auteur d’une thèse sur le sujet.