Le Conseil constitutionnel a validé, jeudi 7 août, un nouveau mode de scrutin pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille, dont les conseillers des mairies centrales seront désormais élus directement, en plus des représentants d’arrondissements et de secteurs.

Les membres du Conseil ont relevé que pour ces trois communes, les plus peuplées de France, le législateur était fondé à vouloir « améliorer la représentation des diverses sensibilités politiques au sein [de leurs] assemblées délibérantes », « conformément à l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensées et d’opinions ».

La réforme, portée par le député de Paris Sylvain Maillard (Renaissance) et soutenue par le gouvernement, avait été votée début juillet par l’Assemblée malgré l’hostilité du Sénat.

Elle doit s’appliquer dès le scrutin municipal de mars 2026, conduisant à un système de double élection, et donc à deux urnes, l’une pour élire les membres du conseil de la mairie centrale (Conseil de Paris, conseils municipaux de Lyon et de Marseille) – lesquels élisent ensuite le maire –, l’autre pour élire ceux de l’arrondissement (à Paris) ou du secteur (à Lyon et Marseille).

A Lyon, la réforme entraîne l’organisation d’un triple scrutin, puisque les administrés des communes de la Métropole de Lyon votent déjà directement pour leurs représentants métropolitains, en même temps que pour leurs conseillers municipaux.

Notamment saisi sur ce point, le Conseil constitutionnel a estimé que « les nouvelles règles instaurées ne sont pas d’une particulière complexité ».

La réforme met un terme au mode de scrutin instauré par la loi PLM en 1982 : les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votaient jusqu’alors dans chaque arrondissement ou secteur pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant à la fois au conseil d’arrondissement ou de secteur et au conseil de la mairie centrale.

Mais la liste arrivée en tête dans chaque arrondissement ou secteur bénéficiait d’une prime majoritaire de 50 %, donnant au Conseil de Paris et aux conseils municipaux de Lyon et de Marseille une morphologie parfois éloignée des résultats à l’échelle de la commune : en 1983, le socialiste Gaston Defferre – inspirateur de la loi – avait été réélu maire de la cité phocéenne grâce à une majorité de conseillers municipaux de gauche, bien que ses listes aient remporté sur l’ensemble de la ville moins de voix que celles de la droite.

Ce système d’élection par arrondissement – parfois comparé à celui de l’élection présidentielle américaine avec des grands électeurs dans chaque Etat – avait conduit les promoteurs de la réforme à dénoncer ces subtilités mathématiques, en ce qu’elles constituaient selon eux une « anomalie démocratique ».

Dans la capitale, la très solide implantation de la gauche dans les arrondissements de la moitié est pouvait apparaître comme un « verrou » lui permettant de conserver son hégémonie au Conseil de Paris depuis 2001. Elle conduisait par ailleurs les challengers à concentrer leurs campagnes sur les seuls arrondissements ou secteurs jugés clés, c’est-à-dire susceptibles de basculer vers un camp ou un autre.

Le socialiste Emmanuel Grégoire, choisi par les siens, le 30 juin, a déclaré, jeudi soir sur le réseau social X, prendre acte de la décision et « réaffirmer [s]a volonté d’œuvrer au renforcement de la démocratie locale, notamment en maintenant le rôle des arrondissements, relais de démocratie essentiels aux Parisiennes et aux Parisiens ».

La maire socialiste sortante, Anne Hidalgo, qui ne se représente pas, avait ainsi vu dans la réforme une « manœuvre électorale » et un « coup politique de très bas niveau ». Le PS parisien avait en outre estimé que le nouveau mode de scrutin avait été conçu pour servir les intérêts de Rachida Dati, la maire Les Républicains (LR) du 7e arrondissement, qui ne cache pas ses ambitions pour ravir la ville. Les soutiens de la ministre de la culture conviennent d’ailleurs que cette réforme augmente ses chances de succéder à Mme Hidalgo.

Elle pourrait en outre permettre au Rassemblement national d’entrer au Conseil de Paris – un seul candidat du Front national (l’ancien nom du parti) ayant jusqu’alors réussi cet exploit, lors de la mandature 1995-2001.

Le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, candidat à sa réélection mais concurrencé dans les sondages par l’ex-patron de l’Olympique lyonnais Jean-Michel Aulas, avait, lui aussi, critiqué une réforme « brouillonne et clivante ».

A contrario, le maire socialiste de Marseille, Benoît Payan, candidat à sa propre succession, avait salué un nouveau mode de scrutin « qui met fin à un système dérogatoire qui a fait son temps » et « était injuste ». Le patron de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier (Renaissance), et la patronne LR de la métropole marseillaise, Martine Vassal – cette dernière étant pressentie pour être à nouveau tête de liste en mars –, s’étaient, eux, élevés contre la réforme.

Dite « Paris-Lyon-Marseille » (PLM), cette loi avait été portée par le ministre de l’intérieur de l’époque, Gaston Defferre, également maire de Marseille de 1953 à 1986. Elle prévoyait la création de conseils d’arrondissement (ou de secteur) dans ces trois villes, avec des maires élus à leur tête et la délégation d’un certain nombre de compétences (état civil, attribution des places de crèche, d’une partie des logements sociaux…), dans la logique de décentralisation voulue par le gouvernement socialiste arrivé au pouvoir en 1981.

Pour M. Defferre, le but est de « donner de nouvelles modalités d’expression » aux habitants et de « rapprocher les élus des citoyens, c’est-à-dire déconcentrer l’administration des grandes villes ». Pour l’opposition, c’est une « magouille » qui viserait deux objectifs politiques : affaiblir le maire de Paris et président du Rassemblement pour la République (RPR), Jacques Chirac, et empêcher Jean-Claude Gaudin, de l’Union pour la démocratie française (UDF), de prendre Marseille.

« Il se dit que les chefs socialistes de Paris ne se sont pas sentis assez grands pour être maire et qu’ils ont établi des mairies à leur taille ! », raille à l’Assemblée nationale Jacques Toubon, alors député RPR de Paris. « Votre problème se formulait ainsi : comment garder la majorité au conseil municipal dans l’hypothèse où une minorité seulement de secteurs le souhaiteraient ? », ironise Jean-Claude Gaudin au vu du découpage des secteurs marseillais. Quant à Lyon, c’est « un trompe-l’œil destiné à occulter le caractère circonstanciel des opérations engagées ailleurs », critique Alain Mayoud, député UDF du Rhône.

Après avoir suivi le même parcours que le texte de cette année (procédure accélérée, refus du Sénat et adoption définitive par l’Assemblée nationale), la loi est promulguée le 31 décembre 1982, quatre mois après son dépôt et trois mois avant les municipales. A partir de 1983, les électeurs parisiens, marseillais et lyonnais votent pour élire leur conseil de secteur (ou d’arrondissement), dont un tiers des élus siègent également au conseil municipal (ou Conseil de Paris). Ce sont eux qui élisent ensuite le maire de la ville, sur le même principe que l’élection du président des Etats-Unis par les grands électeurs.

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