Il est minuit, l’air tiède glisse doucement sur la peau dans le parc de La Villette, dans le 19e arrondissement de Paris. Le club Mia Mao s’ouvre aux voyageurs de la nuit. Dans la file qui serpente le long du canal de l’Ourcq, cinquante nuances de noir : des brassières sous des tops en résille, un microshort en cuir, un autre à sangles saucissonnant les cuisses, ou encore une combinaison en dentelle transparente qu’on croirait cousue à même la peau de sa propriétaire, ruban adhésif noir sur les tétons et sexe dissimulé sous un string. Seul un sac à dos Pikachu a égaré le dress code techno.
Des faisceaux de lumière jaunes et violets transpercent les pupilles, dès l’entrée dans les lieux. Les oreilles se dressent, saisies par les rythmes frénétiques. Quelque 1 500 teufeurs – autant de femmes que d’hommes – hochent la tête à l’unisson avec le DJ Restricted, tempo flirtant avec les 150 battements par minute. Moyenne d’âge ? Vingt-cinq ans, à l’image de Souhail. « Ce genre de soirée, c’est plus qu’une sortie, c’est un moment où tu te reconnectes à rien d’autre qu’au son, prêche le clubbeur, derrière ses lunettes noires. Ton cerveau se met sur pause, tu laisses ton corps suivre le rythme. Tu danses seul, en “crew” [bande], peu importe, on est tous là pour kiffer ensemble, dans un espace où chacun peut être soi-même. »
Pour le contrôleur de gestion de Saint-Germain-lès-Arpajon (Essonne), c’est soir de baptême dans cet ancien entrepôt de peaux de cuir reconverti en temple de la musique électronique. Du béton brut sur 3 000 mètres carrés et le « no photo, no vidéo » pour credo. Toute ressemblance avec le Berghain, le saint patron berlinois sanctuarisé dans une ex-centrale électrique, n’a rien de fortuit, la filiation est pleinement assumée.