Quatre romans, un récit, un essai d’histoire et un de philosophie… Voici les brèves critiques de sept ouvrages notables de la rentrée littéraire en cette trente-cinquième semaine de l’année.
Avec La Bibliothèque retrouvée, Vanessa de Senarclens, professeure de littérature française à l’université Humboldt de Berlin, se fait enquêtrice pour retracer l’histoire de la bibliothèque du château de Plathe (aujourd’hui Ploty, en Pologne), disparue en 1945 lors de l’arrivée de l’Armée rouge en Poméranie, alors allemande. Trésor ancestral de sa belle-famille, elle abritait autrefois une collection de 16 000 livres, manuscrits et cartes. Reconstituer son histoire demandait une enquête complexe, que l’autrice a menée avec rigueur et sensibilité, en mêlant essai historiographique et récit personnel. Archives, photos, témoignages, souvenirs : tout est analysé pour élucider le mystère de ce trésor perdu à jamais. Vanessa de Senarclens explore, en particulier, les générations qui ont façonné la bibliothèque, de sa fondation par Friedrich Wilhelm von der Osten dans la Prusse du XVIIIe siècle à la fuite de son dernier responsable, le bibliophile Karl von Bismarck-Osten, le 3 mars 1945. Quatre-vingts ans plus tard, la chercheuse affirme que « ces vestiges issus de la bibliothèque disparue ont quelque chose à nous dire et [que] leur histoire mérite d’être racontée ». Au-delà de l’histoire d’une bibliothèque, cet ouvrage met en œuvre une réflexion plus large sur la transmission d’une mémoire et d’un héritage menacés par l’oubli, le déracinement et le silence. Am. An.
Dario Ferrari, dont on ignore tout sinon qu’il a étudié la philosophie à Pise, publie son premier roman traduit en français. On y lit cette phrase d’Italo Calvino (1923-1985) : « Parfois on se sent incomplet et on est tout simplement jeune. » En principe, jeunesse se passe, sauf chez le héros de La récréation est finie, Marcello, qui, la trentaine, se complaît dans sa situation d’étudiant dilettante. Jusqu’au jour où, ayant contre toute attente décroché une bourse de doctorat, il se plonge dans l’œuvre d’un terroriste des années de plomb italiennes, un « terroriste-écrivain » qui l’envoûte et auquel il va progressivement s’identifier. Il y a du David Lodge (1935-2025) mâtiné de Nanni Moretti dans cette satire douce-amère du monde universitaire. Humour acéré, ironie feutrée : si, pour Marcello, « la récréation est finie », pour le lecteur au contraire le plaisir commence grâce à cette réjouissante et prometteuse découverte de la rentrée. Fl. N.