A la première lecture de Haute-Folie, le roman d’Antoine Wauters, on s’est d’abord laissé emporter par la force du texte et ses images éblouissantes, souvent enchâssées dans des phrases perçantes, comme celle qui ouvre et embrase le récit. « Minuit cet été-là, quand la foudre frappe le vieux tilleul, l’atteint au cœur, le cuivre, et le roussit, puis, changée en torche, quand elle s’invite dans les hautes terres, entre les haies à chauve-souris, et remonte jusqu’à la ferme pour entièrement la balayer, la dévaster. » On a donc provisoirement laissé de côté l’intrigue, comme si on regardait un film d’Andreï Tarkovski (1932-1986) sans les sous-titres, dans un état un peu hallucinatoire.
Cependant, tout texte, aussi énigmatique soit-il, ne « veut pas rien dire », comme l’écrivait Arthur Rimbaud à son ami Georges Izambard, au sujet d’un poème dont le sens lui échappait. On a alors repris la lecture, pour relier ces visions un peu folles, sans perdre pour autant cette première sensation d’étrangeté.