La Côte d’Ivoire joue la carte du ballon ovale. Premier Etat africain à signer un partenariat avec un club du Top 14, le pays est désormais l’un des sponsors officiels du Stade français, deuxième équipe la plus titrée de l’histoire du championnat. Les détails financiers de l’accord, qui court sur trois saisons, n’ont pas été communiqués.
Abidjan mise sur la popularité du rugby en France pour renforcer sa visibilité et attirer les touristes. Lors de la première journée du championnat, samedi 6 septembre, les joueurs en rose ont ainsi arboré le logo du programme « Sublime Côte d’Ivoire » sur l’avant de leur maillot. Les tenues de l’équipe féminine et du staff sont également siglées. Le dispositif sera complété par des campagnes de publicité dans l’enceinte du stade et une promotion de la destination sur les réseaux sociaux.
Après une décennie noire marquée par la crise post-électorale de 2010-2011 puis l’attentat de la station balnéaire de Grand-Bassam ayant fait 19 morts en 2016, la Côte d’Ivoire a lancé un vaste plan de relance du tourisme en 2018. Ce programme, soutenu par 3 200 milliards de francs CFA (environ 4,9 milliards d’euros) d’investissements publics et privés, vise à hisser le pays parmi les cinq destinations les plus visitées du continent et à porter la contribution du tourisme à 10 % du PIB, contre 8,6 % aujourd’hui.
En matière de fréquentation, l’ambition est de passer de 2 à 5 millions de visiteurs annuels. Sur le premier semestre 2025, le pays a accueilli 2,49 millions de touristes, soit une hausse de plus de 18 % en un an, selon les données du ministère concerné. Les voyageurs français constituent une cible privilégiée : ils représentent 79 % des arrivées européennes, avec plus de 132 000 visiteurs entre janvier et juin 2025.
Mais pourquoi cibler les amateurs de rugby ? Avec 26 millions de personnes qui disent s’intéresser au ballon ovale en 2025, selon le dernier baromètre annuel de Kantar Media, c’est désormais le deuxième sport le plus populaire en France. Et « il rassemble un public familial, fidèle, doté d’un fort pouvoir d’achat », souligne Siandou Fofana, le ministre ivoirien du tourisme : « En moyenne, les spectateurs de rugby voyagent cinq fois par an. Il était donc essentiel pour nous d’aller sur ce segment particulièrement fort en France. »
Cette collaboration s’inscrit dans une stratégie plus large : miser sur des partenariats avec des clubs sportifs, une pratique de plus en plus courante en Afrique. Le Rwanda est par exemple devenu le sponsor du Paris Saint-Germain (PSG) et d’Arsenal. « Le sport est un véhicule de soft power extrêmement puissant », estime Philippe Doizelet, spécialiste du secteur du tourisme et de l’hôtellerie en Afrique : « Didier Drogba a sans doute davantage contribué à la notoriété de la Côte d’Ivoire que bien des campagnes institutionnelles. »
Quelques mois avant le coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) 2024, Abidjan avait signé son premier partenariat de ce type avec l’Olympique de Marseille (OM), pour une durée de trois saisons. En avril dernier, lors d’un match de championnat, les noms de plusieurs villes ivoiriennes se sont invités sur les maillots des joueurs au côté du logo « Sublime Côte d’Ivoire », déjà présent à chaque rencontre.
Selon le ministère du tourisme, les retombées sont déjà visibles. « Depuis la signature, nous enregistrons une hausse annuelle de plus de 24 % du trafic touristique en provenance de la France, contre environ 15 % auparavant », relève Siandou Fofana. Reste à savoir dans quelle mesure la collaboration avec l’un des clubs les plus populaires de France a contribué à cette progression.
Forte de ces signaux encourageants, la Côte d’Ivoire entend élargir son champ d’action. Et pourquoi pas viser plus haut. « Nous regardons particulièrement vers les Etats-Unis, où des disciplines comme le basketball, avec la NBA, ou le baseball représentent un fort potentiel de communication », poursuit le ministre. Dans le même esprit, le pays a déposé sa candidature auprès de la Ligue française de football pour accueillir le Trophée des champions 2026, une rencontre qui oppose habituellement le champion de France au vainqueur de la Coupe de France. Le PSG ayant remporté les deux titres en 2025, ce rendez-vous verra s’affronter, en janvier 2026, le club parisien et son dauphin en Ligue 1… l’OM.
Reste que dans un contexte où le chef de l’Etat depuis 2011, Alassane Ouattara, brigue un quatrième mandat consécutif, et alors que plusieurs candidats de poids – dont Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo – ont été définitivement écartés de la course, le risque de mauvaise publicité n’est pas à exclure. « Les instances sportives mondiales, comme la FIFA, veillent à séparer politique et sport », rappelle Kouakou Simeon Kouassi, directeur de l’UFR Logistique, tourisme et hôtellerie-restauration à l’université de San Pedro : « Les clubs partenaires sont là pour promouvoir le pays, pas sa politique. » Mais la distinction peut être difficile à faire valoir quand la diplomatie s’invite sur les terrains.