[Vendredi 5 septembre à 20 heures, Paris. Salon de l’Horloge, au Quai d’Orsay. Jean-Noël Barrot, ministre des affaires étrangères, vient de remettre les insignes de la Légion d’honneur à Jean-Louis Bourlanges, qui a siégé dix-huit ans au Parlement européen avant d’être élu en 2017 à l’Assemblée nationale, où il a présidé la commission des affaires étrangères. Tous deux sont membres de la même famille politique centriste, celle du MoDem qui est aussi celle de François Bayrou, encore premier ministre pour trois jours. M. Bayrou est là aussi, au premier rang de l’assistance, de même que son prédécesseur Michel Barnier et l’ambassadeur d’Ukraine.]
(…) Ma génération, celle des enfants de l’après-guerre, ceux que l’on qualifie aujourd’hui, avec une condescendance plus ou moins apitoyée, de « boomeurs », n’a pas bonne presse. On l’accuse d’avoir beaucoup hérité, insuffisamment inventé, passablement abusé, et surtout d’avoir été incapable de relever les terribles défis que nous lance une histoire désormais ingrate, sévère et menaçante, une histoire qui se fait de plus en plus sans nous et qui tend désormais, de Washington à Shanghaï en passant par Moscou, à se faire contre nous.
La génération à laquelle j’appartiens a reçu de celle qui l’a précédée un immense héritage et, au moment de poser le sac, j’ai, c’est vrai, le sentiment que les hommes et les femmes de mon temps n’ont pas été pleinement à la hauteur de cet héritage. J’ai eu la chance d’inscrire la première partie de ma vie dans le sillage de deux personnalités exceptionnelles : ma mère et le général de Gaulle. A leur manière, tout en bas pour l’une, tout en haut pour l’autre, ils ont été pour moi à la fois les symboles et les acteurs de cette France du courage, de l’effort et de la vaillance qui, après les terribles épreuves des deux guerres, avait su trouver les chemins de la liberté, de la solidarité, de la croissance et du progrès. (…)
Du général de Gaulle, je ne dirai qu’une chose : c’est que ce fut l’honneur de ma jeunesse que d’avoir (…) servi cet homme et son action, même si par la suite, j’ai comme d’autres (…) tiré l’héritage dans un sens résolument européen et, sous le magistère intellectuel de Raymond Aron, non moins résolument libéral.