« Avec cette loi, les gens vont pouvoir nous dénoncer aux autorités » : la pénalisation des pratiques homosexuelles au Burkina Faso fait craindre une « chasse aux sorcières » auprès d’une communauté LGBT + déjà fragile, mais qui s’organise pour continuer à vivre malgré la peur.

Début septembre, la junte au pouvoir a adopté un texte prévoyant des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison pour les « auteurs de pratiques homosexuelles ». Jusqu’à présent, au Burkina Faso, aucune loi ne visait particulièrement les personnes homosexuelles, mais celles-ci devaient déjà vivre discrètement dans ce pays d’Afrique de l’Ouest où l’homosexualité est souvent rejetée par la société.

« On cache notre orientation sexuelle », témoigne Quentin, homosexuel burkinabé vivant à Ouagadougou, dont le prénom a été modifié pour protéger son anonymat, comme les autres interlocuteurs interrogés par l’Agence France-Presse (AFP). « Peu de gens savent que je suis homosexuel, même pas ma famille qui continue de me mettre la pression pour que je me marie », confie le jeune homme, qui se dit, comme beaucoup, « obligé de vivre caché », en raison de la « stigmatisation et la discrimination » visant déjà les minorités sexuelles dans le pays.

Pour la junte, qui critique régulièrement les valeurs de l’Occident et qui s’est notamment tournée vers la Russie, ce texte de loi s’inscrit dans un nouveau « code de la famille » qui doit encore être promulgué et qui se veut « adapté » aux « us et coutumes » du pays. Mais, au quotidien, les personnes homosexuelles craignent de vivre encore davantage « dans la peur et beaucoup d’inquiétude », selon Alex, membre d’une association LGBT + burkinabée. « Depuis 2023, c’est déjà très compliqué pour nous. Mais avec cette loi, les gens peuvent nous dénoncer aux autorités », abonde Phoenix.

La loi votée « ne va pas changer [mon] orientation », affirme Quentin, mais « peut changer le comportement de la population vis-à-vis de nous, des homosexuels ». « Avec cette loi, il n’y aura plus de répit », s’inquiète-t-il. « Des gens vont se sentir investis d’une mission : traquer les homosexuels », poursuit le jeune homme, craignant une « chasse aux sorcières ».

Sur les réseaux sociaux, les attaques étaient déjà monnaie courante avec la dénonciation de personnes, photos à l’appui. « Les gens diffusent aussi des listes d’endroits où on se retrouve et les transmettent aux autorités », explique Phoenix qui assure que la communauté « fait face à une extrême violence, les gens peuvent aller jusqu’à tuer ».

Pour Quentin, pas question de s’exposer à des risques. « Je vais continuer à mener ma vie bien cachée, affirme le jeune homme. Je ne compte pas mettre ma vie en danger en affichant publiquement mon orientation. »

« La population peut interpréter la loi comme une invitation à développer des discriminations ou des violences contre les personnes LGBT + », abonde Alex. Selon lui, trois semaines après l’adoption de la loi, la fréquentation des centres de son association a déjà baissé. Alors pour continuer d’accompagner les personnes sans les mettre en danger, l’organisation met en place « des stratégies d’adaptation » en organisant par exemple certaines activités mêlées à d’autres communautés.

L’association renforce aussi « l’aller vers », pour apporter directement les services aux personnes concernées sans qu’elles aient besoin de se déplacer, notamment pour les politiques de prévention pour les infections sexuellement transmissibles. Face à un avenir incertain, des Burkinabés « pensent à quitter le pays », affirme Alex. « On est tous menacés. Mais si on part, qui va agir pour aider ceux qui restent ? », interroge le militant.

Au lendemain de l’adoption de cette loi, l’ONG Amnesty International s’est dite « alarmée et profondément préoccupée par la criminalisation des relations entre personnes adultes de même sexe ». Le Mali, pays également gouverné par une junte militaire et allié du Burkina Faso, avait adopté une loi pénalisant l’homosexualité en novembre 2024.

En Afrique, une majorité de pays ont des législations qui interdisent et répriment l’homosexualité : c’est le cas d’une trentaine d’Etats sur les 54 du continent. Les relations homosexuelles sont interdites dans un tiers des pays du monde et peuvent être dans certains d’entre eux passibles de prison, voire de la peine de mort.

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