Perfect timing ! Douze heures avant que ne débute le défilé Burberry, le 22 septembre en début de soirée à Londres, la plus célèbre des maisons de mode britanniques faisait son retour dans le FTSE 100, les 100 meilleures cotations boursières nationales. Elle était sortie de ce classement un an plus tôt, symbole d’une lente érosion de son attractivité et d’une dégringolade de ses ventes.
Dans une industrie où le savoir-faire compte à peu près autant que le savoir-compter, ce sont les investisseurs qui ont, dès le printemps, signalé une éclaircie pour le fabricant du trench. Le nouveau PDG a annoncé des mesures d’économies et une réduction de 20 % de la masse salariale d’ici à 2027, tout en maintenant sa confiance l’égard du directeur artistique, Daniel Lee, en poste depuis 2022. « Pour nous, la question n’est pas de savoir si Burberry est de retour, mais à quelle magnitude il va l’être », prévenait en juillet la banque HSBC dans un rapport à ses clients.
Au show organisé à Hyde Park flotte donc de l’électricité dans l’air. Parmi les invités, la fine fleur de la musique britannique – des mythiques Elton John et Twiggy aux jeunes pousses prometteuses, la chanteuse Raye ou le rappeur Loyle Carner. « Les musiciens ont toujours été les plus stylés », loue Daniel Lee, qui surfe cette saison sur les effluves vintage de la Cool Britannia, ce mouvement de la fin des années 1990 où la britpop cartonnait.
Le décor, une grande tente à demi-ouverte et du sable humide au sol, a des allures de Glastonbury ou de Reading and Leeds, « le premier festival où j’ai été dans ma vie, l’année où System of a Down était à l’affiche », rembobine le designer, natif de Bradford, en bordure de Leeds, dans le Yorkshire.
Y parade un casting de cool kids éclectiques, festifs, un peu snobs, comme des archétypes faciles déjà vus cent fois mais qu’on retrouve sans déplaisir, légèrement remixés. Des rockeurs tombeurs de filles en costumes slims et blousons très courts à poches plaquées ; des filles bohèmes en robes mini façonnées en perles ou en cotte de mailles, un sac à franges à l’épaule ; des mods en trenchs ceinturés et pantalons à pli ; des néo-hippies en tee-shirts à la graphie seventies et en manteaux en crochet… Lunettes noires et cheveux effilés, ils osent l’imprimé python, les tons acides (moutarde, fuchsia, émeraude), les pulls tartan retrouvés dans la commode des parents.
« Oasis, Beyoncé, Kendrick [Lamar] : cet été a été extraordinaire pour les festivals britanniques. Sans compter le biopic sur les Beatles en préparation. Tout cela m’a donné envie de renouer avec cette énergie où mode et musique s’épousent pour former une vraie culture », développe Daniel Lee, qui a choisi Black Sabbath – le groupe de rock fétiche de son père mécanicien – pour bande-son.
Soucieux de montrer que son approche ne se limite pas qu’à des mises en scène de concerts sublimés, le Britannique expérimente aussi avec de luxueux manteaux graphiques, en cuir perforé au laser. Surtout, il applique l’imperméabilisation maison bien au-delà des trenchs, proposant des manteaux en coton, des jeans ou des sacs en raphia tressé, tous traités comme une toile enduite et cirée, offrant ainsi des textures intrigantes, rigidifiées et reflétantes.
Cet été déjà, Burberry jouait sur l’imagerie de la hype festivalière dans une campagne publicitaire réunissant le DJ Goldie, les enfants des frères Gallagher d’Oasis, la rappeuse John Glacier, à l’air libre, caravanes et chapiteaux à l’arrière-plan. Une esthétique qui a permis une visibilité renforcée sur les réseaux sociaux et un retour parmi les griffes les plus désirées par les internautes, selon un classement de la plateforme Lyst en juillet. Comme si la marque, après les trois années de tâtonnement de son créateur, avait (re) trouvé une voix pour se faire mieux entendre.