A ma gauche, Zohran. A ma droite, Abigail. Au milieu, le sort du Parti démocrate aux Etats-Unis, dont dire qu’il va mal relève de l’euphémisme. Un an après la défaite de Kamala Harris face à un repris de justice d’alors 78 ans, accusé par ailleurs d’avoir orchestré une tentative de coup d’Etat le 6 janvier 2021, le camp vaincu reste englué dans une sorte d’année zéro, dans une dépression profonde dont on ne voit pas trop l’issue pour l’instant. Panne de message, panne de messager, rien ne va. En dépit des outrances quotidiennes de Donald Trump, de la mobilisation des moyens de l’Etat fédéral contre des adversaires politiques désignés comme ennemis de l’intérieur, le Parti démocrate continue d’être un repoussoir.
Les électeurs n’ont jamais été aussi nombreux à en avoir une image défavorable (61 %), selon le baromètre du vénérable institut Gallup publié le 21 octobre, et les finances du Democratic National Committee, sa poutre maîtresse, font peine à voir par rapport à celles du Grand Old Party. Un cercle de réflexion progressiste, le Center for Working Class Politics, s’est amusé à tester, dans des Etats de la Rust Belt (Wisconsin, Michigan, Ohio), des candidats fictifs avec les mêmes programmes étiquetés soit indépendants, soit démocrates, et ces derniers ont perdu à chaque fois une dizaine de points.
Ce qui nous ramène à Zohran Mamdani et à Abigail Spanberger. Le favori de l’élection municipale new-yorkaise et la favorite de la course pour le poste de gouverneur de Virginie ont été élus le 4 novembre sous les mêmes couleurs difficiles à porter. Les mêmes couleurs, mais pas les mêmes idées. Le premier est affilié aux Socialistes démocrates d’Amérique et fait désormais partie de la trinité progressiste américaine aux côtés du doyen, Bernie Sanders, et de la représentante Alexandria Ocasio-Cortez, qui draine des foules enthousiastes.
La seconde avait assuré dès 2020, au soir d’une réélection délicate à un siège de représentante de Virginie arraché de haute lutte au Parti républicain, deux ans plus tôt, qu’il ne fallait « plus jamais prononcer le mot “socialisme” ». Avant d’ambitionner de devenir la première femme gouverneure de Virginie, elle comptait à la Chambre parmi les élus des deux camps soucieux de parvenir à des solutions consensuelles, les Problems Solvers. Les deux démocrates rejouent donc, neuf ans après la primaire qui avait opposé Bernie Sanders à Hillary Clinton, la bataille entre gauche et centre que le « tout-sauf-Donald-Trump » incarné par Joe Biden avait masqué en 2020.