Marius Dragomir, spécialiste des médias : « Les gouvernements doivent empêcher les médias de tomber entre les mains d’une poignée d’acteurs puissants »

Au cœur de Budapest, dans l’agence de presse nationale hongroise, chaque matinée commence de la même façon. Des instructions arrivent du bureau du premier ministre avec les sujets à traiter mais aussi les angles à adopter. Des instructions qui laissent peu de liberté aux journalistes : ils doivent mettre en avant telle ou telle citation, omettre tel ou tel fait, et présenter l’actualité de telle ou telle manière. Ce qui devrait être une véritable rédaction, un lieu de débat et d’indépendance n’est plus qu’une antenne du service de communication du gouvernement.

On se croirait en pleine dystopie, mais c’est une réalité quotidienne au cœur même de l’Europe. La mainmise du gouvernement hongrois sur l’agence de presse nationale ne s’est pas faite du jour au lendemain. Elle est l’aboutissement d’une décennie de « capture des médias », un mécanisme par lequel les élites politiques, souvent alliées à des milieux d’affaires puissants, prennent le contrôle de médias indépendants et les soumettent à leur volonté.

Contrairement aux formes traditionnelles de censure, la capture des médias repose sur leur cooptation, et non sur leur interdiction pure et simple. Le régime place des fidèles à la direction des rédactions ; achète des espaces publicitaires à des médias proches du pouvoir ; asphyxie financièrement les médias critiques jusqu’à ce que ceux-ci soient contraints de se faire racheter s’ils ne veulent pas mettre la clé sous la porte. Le public peut avoir l’impression qu’une diversité de points de vue subsiste, mais, en pratique, la plupart des médias répètent les mêmes histoires soigneusement calibrées.

La Hongrie de Viktor Orban en est un parfait exemple. A force de manœuvres réglementaires, de pression financière et d’alliances avec les oligarques, Fidesz, le parti du premier ministre, contrôle une part importante du marché de l’information hongrois. Cette mainmise lui permet de remporter les élections, mais aussi de façonner l’opinion : il marginalise les journalistes indépendants et convainc les électeurs que sa version des faits est la seule légitime.

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