Depuis le début de l’automne, une vague de soulèvements au Maroc, à Madagascar ou encore au Pérou revendique l’appartenance à la génération Z (« gen Z »), un concept flou censé définir la jeunesse des années 2020.
Item médiatique autant que mot-clé vendeur dans le monde du conseil aux entreprises, il s’inscrit dans une longue tradition de raccourcis sociohistoriques, des « millennials » aux « zoomers » en passant par les « boomers ». « Les différences générationnelles, évidemment que ça existe, mais elles n’ont pas l’importance cardinale qu’on leur donne », prévient le sociologue Dominique Glaymann, spécialiste de l’insertion professionnelle des jeunes.
Le penseur allemand Karl Mannheim, auteur du Problème des générations (1928), est souvent considéré comme le fondateur de la sociologie des générations. « Mais lui le faisait valoir dans le cadre d’un champ spécifique, le champ littéraire », avec la génération des auteurs romantiques, resitue son traducteur, le sociologue Gérard Mauger, auteur d’Ages et générations (La Découverte, 2015).
Le terme se popularise dans les médias d’après-guerre, sur fond de sentiment de choc des générations. En 1951, le Time dresse ainsi un long portrait de la « génération silencieuse », celle de vingtenaires américains « graves et fatalistes », biberonnés à l’angoisse nucléaire. En 1964, les journalistes britanniques Jane Deverson et Charles Hamblett lui opposent la « génération X », celle de la sous-culture « mod », caractérisée par l’hédonisme, les scooters et les drogues récréatives.
Dès lors, de la Beat generation de l’écrivain Jack Kerouac à la « génération MTV », inventée par la chaîne elle-même, de nombreux auteurs, journalistes ou communicants tentent de capter par une formule choc les traits des enfants d’une époque, sans qu’aucune n’ait de prétention scientifique.
La sortie en 1991 de Generations. The History of America’s Future, 1584 to 2069 (« générations : l’histoire du futur des Etats-Unis, de 1584 à 2069 », Morrow, 1992, non traduit), des historiens américains William Strauss et Neil Howe, marque un tournant. Les deux auteurs avancent la thèse audacieuse selon laquelle l’histoire états-unienne est structurée par des successions de générations, qui permettent même d’anticiper son avenir.