Pareille enquête mériterait un avertissement au lecteur, quelques mots du genre « l’abus de mensonges est dangereux pour la santé mentale ». L’histoire est simple, et à 100 % dans l’air du temps. Une quinquagénaire prénommée Murielle, ancienne employée de mairie à Brignoles (Var) et veuve depuis des années, fréquente sur Internet les sites de rencontres en quête d’une relation sérieuse. Un homme lui écrit, ils échangent des messages. Son nom est Charles Leroux, la cinquantaine, divorcé, les yeux bleus et un CV d’entrepreneur à succès. Sur les réseaux sociaux, on le voit souvent sur son yacht.
Murielle se demande ce qu’un tel play-boy peut bien lui trouver à elle, dont la vie paraît si banale, mais elle se prend au jeu des courriels et des confidences. Il existe, ce Charles, puisqu’elle le suit, si beau, sur Instagram ou Facebook. Peu à peu, il s’installe dans sa vie et lui fait part de ses soucis financiers. Certes, il leur est encore impossible de se voir « en vrai », leurs emplois du temps respectifs étant incompatibles, mais le jour viendra, l’un et l’autre le disent, et le désir n’en est que plus intense. La voici devenue le personnage central de La Captive (Editions Goutte d’Or).
Dans ce livre publié aux éditions Goutte d’Or (286 pages, 19,90 euros), le journaliste Alexandre Kauffmann, collaborateur régulier du Monde et auteur d’articles remarqués sur les escroqueries aux sentiments, évolue sur un terrain d’investigation à sa mesure. Il s’emploie à démêler le vrai du faux en restant toujours au plus près des personnages, et décrypte de manière saisissante l’emprise dont Murielle fait l’objet, toujours à distance.
Au début du récit, celle-ci est émouvante, puis son aveuglement finit par agacer. Comme ses filles, on voudrait la raisonner, l’implorer d’arrêter les mots doux et les virements, mais elle s’obstine, victime consentante. « Les interventions de Charles en viennent à ressembler à un service de compagnie à distance, écrit Kauffmann. Qu’il soit menteur et indocile n’empêche pas Murielle de le chérir et de l’idéaliser. (…) Ni sa famille, ni les banques, ni même Charles ne doivent remettre en cause cette illusion. »