Sur les marchés de France, à Sarlat comme à La Rochelle, on trouve de plus en plus de marchands qui proposent des « colis mystères ». A 25 euros le kilo ou 2,50 euros les 100?grammes. L’équivalent au poids du prix des macarons ou du comté 24 mois pour un paquet opaque, scellé, aux airs de colis Amazon comme on en voit entassés dans les Relais Colis. Personne ne sait ce qu’il y a à l’intérieur. Et, bien sûr, une affichette précise que rien ne sera échangé. Au moment où l’on peut tout savoir des produits achetés en ligne, à l’heure où les algorithmes se piquent de connaître la moindre de nos envies, il semblerait que la promesse de l’inconnu soit devenue la dernière chose à avoir de la valeur.
Le marché de la pochette-surprise pour grandes personnes semble couvrir tous les segments de la population et tous les types de besoin. Ados et jeunes adultes s’arrachent les Labubu, étranges peluches vendues dans des paquets qui ne permettent pas de savoir quel modèle on trouvera à l’intérieur. Des libraires fantasques installent des présentoirs dont les livres sont emballés de papier kraft sur lesquels sont inscrits des messages du type « Si vous aimez les histoires d’amour qui finissent mal » ou « Si vous aimez l’odeur de la forêt », laissant au lecteur une large part d’incertitude.
Des restaurants étoilés ou « macaronés » (Aldéhyde ou Substance, à Paris) servent des menus surprises, tandis que l’appli Marmiton propose une recette de cuisine au hasard.
L’an dernier, Auchan, vite imité par Carrefour, a inventé les « chariots mystères », bâchés de noir, vendus entre 60 et 130 euros, permettant de mettre la main sur des draps-housses à la mauvaise taille, des machines à café dont on n’a pas les capsules, et plein d’autres choses probablement inadaptées.
La génération qui a grandi avec des cadeaux dans les paquets de lessive Bonux, a été nourrie aux Kinder Surprise et aux Happy Meal du McDo ou a ouvert en tremblant des pochettes Panini n’allait certainement pas se sevrer à l’âge adulte. Il suffit de voir dans un congrès des adultes se jeter sur leur tote bag publicitaire et faire l’inventaire des crayons et des gourdes qu’ils trouvent à l’intérieur pour comprendre que l’idée d’une surprise crée de l’excitation à n’importe quel âge. Le frisson de l’inconnu, le moment où l’on déchire le kraft, défait le plastique, soulève le couvercle, reste un plaisir d’enfant.