Aux grands artistes il suffit de peu d’œuvres pour affirmer leur singularité. Philip Guston (1913-1980) est de ceux-là. Il n’y a, au Musée Picasso, guère plus d’une vingtaine de ses toiles et une quarantaine de ses travaux sur papier. Mais ils suffisent largement à démontrer qu’il est du petit nombre des peintres majeurs de la seconde moitié du XXe siècle et l’un des plus libres, capable de s’arracher au style qui lui vaut la gloire pour en inventer un autre. On ne fait ici que reprendre le mot de Willem De Kooning, qui lui dit, vers 1970 : « Sais-tu, Philip, quel est le vrai sujet de ta peinture ? C’est la liberté ! »

A ce moment, critiques et confrères lui tournaient le dos. Qu’avait-il fait pour cette vindicte ? Exposer des peintures à caractère figuratif après avoir été, deux décennies durant, l’un des maîtres de l’expressionnisme abstrait. Ce renversement était, aux yeux d’un monde de l’art conformiste, incompréhensible et inexcusable. C’est, du reste, plus que l’importance qu’avait à ses yeux Picasso ou des comparaisons incertaines entre eux, la meilleure raison de l’exposer dans le musée de celui-ci : les premiers renversements de style de Picasso, du cubisme vers un pseudo-classicisme ou de celui-ci vers la défiguration furieuse de l’être humain, n’ont pas été en leur temps mieux compris. Le traître accueille le renégat, autrement dit.

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