« Parallèlement à la “science des maladies”, nous plaidons la “science des symptômes” »

Selon Santé publique France, la persistance de symptômes pénibles et invalidants après un épisode de Covid-19, ou Covid long, affectait 4 % de la population française fin 2022. Pourtant, plus de cinq ans après le début de la pandémie, de nombreuses personnes concernées rapportent encore ne pas être prises au sérieux.

En l’absence d’anomalies observables lors des examens de routine, elles redoutent qu’on ne leur dise que leurs symptômes sont « dans la tête ». Ce dualisme, souvent qualifié de « cartésien », – les symptômes seraient soit « réels », soit « dans la tête » – continue de hanter les débats autour du Covid long, mais aussi de la fatigue chronique, de la fibromyalgie et de bien d’autres maladies dont le diagnostic ne repose que sur les symptômes. Et, sur le terrain, les personnes qui en souffrent doivent souvent se battre pour faire reconnaître leur maladie comme « réelle » et non imaginaire, voire feinte. Pourtant, bien qu’il domine le discours public et médical, ce dualisme reflète une méconnaissance du rôle de l’organe le plus complexe de notre corps : le cerveau.

Les symptômes sont, bien sûr, toujours réels, puisque ressentis. Ils sont aussi toujours construits « dans la tête » : lorsqu’une personne se cogne le tibia, le signal est transmis par les nerfs jusqu’au cerveau, qui crée alors la sensation douloureuse. Mais les neurosciences cognitives montrent que cette douleur n’est pas le simple reflet de l’atteinte corporelle. Elle émerge d’interactions entre le signal nerveux et les prédictions du cerveau. Il en va ainsi de tous les symptômes, comme l’illustre une expérience de cyclisme en réalité virtuelle : l’essoufflement des participants était influencé autant par l’effort « réel » (la résistance du pédalier) que par l’effort « attendu » (la pente virtuelle).

De telles observations mettent sérieusement en question le dualisme cartésien. La question n’est plus de savoir si les symptômes sont « réels » ou « dans la tête », mais plutôt dans quelle mesure ils sont influencés par les signaux nerveux périphériques et par les processus cérébraux centraux. Cette question vaut pour tous les symptômes, même ceux qui ont une cause organique évidente.

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario