Sébastien Maillard, politiste : « Il faut sommer Belgrade de jouer le jeu de l’Union européenne »

En Serbie, la procédure d’adhésion à l’Union européenne (UE) ressemble depuis trop longtemps à une mascarade. Le pays joue au candidat et fait semblant de se réformer. L’Union européenne, elle, fait semblant d’y croire. Il est temps de faire tomber les masques. Le mouvement étudiant serbe, qui défend l’Etat de droit depuis un an, conduit chaque partie à montrer son vrai visage.

Pour Aleksandar Vucic [président de la République serbe depuis 2017], ce visage a été celui de la répression. Le président serbe, ancien ministre de Milosevic, ne voit dans ce mouvement, né après un effondrement survenu le 1er novembre 2024 à la gare de Novi Sad et qui a fait 16 morts, qu’une « révolution de couleur » orchestrée depuis l’étranger.

On décèle plutôt dans ce soulèvement populaire quelques éléments comparables à ceux qui agitent la génération Z (« gen Z ») sous d’autres latitudes : une spontanéité dans la rébellion, un ras-le-bol général contre l’incurie, une méfiance des politiques, l’absence de leader et la soif d’un avenir meilleur. Sans avoir le poids démographique du Maroc ou de Madagascar, la jeunesse serbe a entraîné une contestation de grande ampleur, jusque dans les campagnes, pour en finir avec l’attribution opaque des marchés publics et plus largement avec une corruption endémique, des médias bridés et une justice aux ordres de l’exécutif.

De fait, le président serbe foule aux pieds les principes européens, qu’il est censé respecter. La Serbie est officiellement candidate à l’adhésion depuis 2014, mais Aleksandar Vucic se complaît dans un multi-alignement, au nom de la neutralité du pays et dans la tradition de non-alignement yougoslave. Il s’est affiché au défilé du 9 mai à Moscou.

Au lieu d’appliquer les sanctions contre la Russie – tout en armant discrètement l’Ukraine depuis 2022 –, il entretient sa dépendance au gaz russe, acheté à prix réduit, crucial pour sa stabilité au pouvoir. Il a aussi pris part à la grande parade militaire à Pékin, début septembre, après des exercices militaires conjoints avec son armée, tandis que de nouveaux investissements chinois sont annoncés dans les richesses minières du pays.

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