Certains avaient grimpé sur le toit d’une station-service, d’autres s’étaient introduits dans des immeubles en construction ou bien s’agrippaient à la structure d’un arrêt de bus. Une immense foule, de 200 000 à 300 000 ultraorthodoxes israéliens, en caftan et chapeau noir sur leur chemise blanche, a manifesté, jeudi 30 octobre, autour de la gare de Jérusalem, contre une nouvelle proposition de loi, présentée à la Knesset lundi 3 novembre, visant à rendre le service militaire de trois ans obligatoire aux étudiants des yeshivas, les écoles religieuses. Entre quelques rares échauffourées avec la police, cette foule pieuse, qui a reçu pour consigne de ne pas parler à la presse, harcèle les femmes journalistes couvrant l’événement avec des jets de bouteilles en plastique et des sifflements.
Les tracts qui recouvrent le sol et les banderoles accrochées aux façades des bâtiments montrent le visage souriant d’Ariel Shamai, un haredi (« craignant Dieu ») arrêté fin octobre et condamné à vingt jours de prison après avoir ignoré la convocation de l’armée. Les affiches, qui reprennent la couleur jaune et les codes visuels des manifestations pour la libération des otages du Hamas, arborent des slogans dramatisants, comme « dans ce pays, c’est le régime de Staline ». Grâce à des murs d’enceintes installés à chaque coin de rue, un rabbin harangue la foule : « Si vous priez assez fort, Dieu annulera cette mesure politique ! » Textes sacrés à la main, des dizaines de milliers d’ultraorthodoxes balancent alors avec zèle leur corps d’avant en arrière pour se recueillir.
Sa cigarette électronique à la main, Benyamin Ariel, 24 ans, précise qu’il n’a pas encore reçu la convocation envoyée par l’armée israélienne, contrairement à 80 000 autres jeunes haredim cette année. Pour l’instant, seuls 3 000 ont répondu à l’appel des drapeaux. « Pour nous, la Torah reste la valeur suprême, précise le jeune homme. Et l’armée, par ses méthodes, s’oppose à la religion. » Venu de la colonie illégale de Beitar Illit, dans le sud de la Cisjordanie occupée, l’étudiant de yeshiva manifeste pour la première fois de sa vie. Les rabbins responsables de son éducation lui ont demandé de ne surtout pas « se soumettre » à cette nouvelle loi.