L’impérative levée des sanctions contre la Syrie

Qui aurait pu imaginer il y a un an qu’Ahmed Al-Charaa, alors en bonne place sur les listes noires des Nations unies et de Washington, deviendrait le premier président syrien reçu dans le bureau Ovale de la Maison Blanche ? A l’époque, l’ancien djihadiste passé par les prisons des Etats-Unis en Irak s’était certes déjà éloigné du terrorisme. Mais il était cantonné au réduit d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, alors que Bachar Al-Assad s’accrochait, à Damas, à un pouvoir dont une offensive éclair allait montrer en moins d’un mois qu’il n’était qu’apparences et illusions.

Cette trajectoire spectaculaire n’est pas que le produit de la mutation d’un homme. Elle a aussi été permise par Donald Trump, qui s’est décidé après d’autres à prendre au mot Ahmed Al-Charaa, notamment sur le conseil du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman. A la veille de cette visite historique à la Maison Blanche, des avancées symboliques ont été enregistrées.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a levé, jeudi 6 novembre, les sanctions visant Ahmed Al-Charaa et son ministre de l’intérieur, Anas Khattab, du fait de leurs liens passés avec l’organisation Etat islamique et avec Al-Qaida. Les Etats-Unis en ont aussitôt fait de même, pour permettre l’arrivée du président par intérim de la Syrie sur le sol américain, le 8 novembre.

Il faut saluer ce pari de Donald Trump en faveur d’une transition syrienne qui soit à la hauteur des défis gigantesques de ce pays. Mais pour qu’elle réussisse, le nouveau pouvoir syrien a besoin que soient également levées au plus vite les sanctions drastiques adoptées après les révélations concernant la sauvagerie de la répression par le régime de Bachar Al-Assad de ceux qui avaient contesté sa dictature de fer, à partir de mars 2011. La levée de ces sanctions, qui nécessite l’accord du Congrès, est primordiale pour espérer relever la Syrie des ruines qui constituent le legs de la dynastie déchue.

Il y a urgence. Le nouveau pouvoir ne pourra compter bien longtemps sur la bienveillance des Syriens et sur le souvenir des atrocités passées si une amélioration de conditions de vie plus que précaires ne se dessine pas. Il ne s’agit pas du seul obstacle auquel se heurte Ahmed Al-Charaa. Un modus vivendi reste à trouver avec la minorité kurde syrienne, longtemps méprisée par Damas.

Les violences qui ont visé au cours des derniers mois les minorités alaouite et druze, cibles d’un revanchisme sunnite, ont également rappelé la fragilité de la mosaïque communautaire syrienne. Le nouveau pouvoir doit tout mettre en œuvre pour les empêcher et pour juger les coupables. Profitant du désordre créé par la chute de Bachar Al-Assad et des fragilités qui en découlent, l’Etat islamique fait enfin la preuve d’une résilience qui ne peut qu’inquiéter. A Washington, le président syrien devait d’ailleurs rejoindre la coalition antijihadiste menée par les Etats-Unis.

Ces derniers seraient bien avisés, s’ils misent vraiment sur lui, de ne pas baisser la garde dans l’est du pays, où ils disposent de forces spéciales depuis bientôt une décennie. De même, Donald Trump devrait peser de tout son poids pour empêcher qu’Israël ne profite de la situation pour se tailler, dans le sud de la Syrie, l’équivalent d’une zone de sécurité ajoutée au plateau du Golan, occupé illégalement depuis 1967, et pour se poser en protecteur de la minorité druze. La stabilisation de la Syrie passe par la réussite d’Ahmed Al-Charaa.

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