La tâche des commentateurs est plus commode que celle des enquêteurs, tant il est plus aisé de recenser les ratés des services antiterroristes avant la commission d’un attentat que de tenter de le déjouer. Mais la communauté du renseignement le reconnaît elle-même bien volontiers : tout attentat est nécessairement un « échec ».
Le plus lourd d’entre eux est sans conteste l’attentat djihadiste le plus meurtrier jamais perpétré en France : les attaques du 13 novembre 2015, qui ont fait 132 morts (dont deux suicides postérieurs aux attentats) à Paris et Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Il aura fallu quatre années d’une enquête titanesque et un procès historique de plus de dix mois à Paris pour reconstituer la trame des événements et des loupés qui ont conduit à cette tragédie.
Cet engrenage avait débuté un an plus tôt, « au plus tard en novembre 2014 », écrivent les juges qui ont instruit le dossier, quand « la décision de commettre des attentats de grande ampleur en France a été prise en Syrie ». A compter de cette date, une implacable logistique a commencé à se mettre en place, de la formation des commandos à leur infiltration en Europe, en passant par l’activation de complices à Bruxelles pour leur fournir armes et logements.
Durant ces douze mois cruciaux, les services de police et de renseignement européens ont eu maintes occasions de porter un coup d’arrêt à cette cellule terroriste. Dans cette course contre la montre qui s’est achevée dans la nuit noire du vendredi 13 novembre 2015, un homme incarne cette succession de rendez-vous manqués : le djihadiste belge Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des commandos et tueur des terrasses parisiennes.