En ce jour de décembre 2018, ils sont venus en famille manifester depuis Saint-Dizier, en Haute-Marne, à Paris. Siffler sur la colline, de Joe Dassin, chanté en chœur avec insouciance dans la voiture. Leurs gilets jaunes arborés fièrement, pour la défense des services publics. La mère, Joëlle Girard ; son fils aîné, Antonin ; sa fille cadette, Sonia ; le petit ami de celle-ci, Rémi ; et Guillaume, le benjamin, âgé de 20 ans, ont déambulé dans la capitale, c’était l’occasion de faire du tourisme. Ils ont ensuite rejoint les Champs-Elysées avant de se retrouver nassés puis dispersés à coups de gaz lacrymogène.
Un peu plus tard, Guillaume sera retrouvé au sol la tête en sang après avoir été touché par un tir de LBD de la part de policiers en civil. Quintuples fractures au visage, aphasie, stress post-traumatique aigu. A l’inspection générale de la police nationale (IGPN) désormais de recontextualiser le drame pour en comprendre les circonstances et d’identifier les éventuels fautifs.
En s’attachant à cette enquête menée par Stéphanie (Léa Drucker, une nouvelle fois magistrale) et son équipe, Dominik Moll poursuit avec Dossier 137 le geste cinématographique entamé avec La Nuit du 12 (2022) : se servir du film de genre pour mettre le doigt sur un point de dysfonctionnement de la société. Après la violence masculine ordinaire, le cinéaste questionne ici les rapports entre les citoyens et la police, le choix d’une doctrine de maintien de l’ordre devenue particulièrement répressive à l’encontre des manifestants, la négation du statut des victimes.