Le biopic d’un artiste risque la myopie, et en envisageant les choses par le petit bout de la lorgnette, d’encourir les fameux reproches que Marcel Proust fit au critique Sainte-Beuve : réduire la création à l’expression collatérale d’expériences personnelles, d’une psychologie individuelle et de ses déterminants. L’entreprise est d’autant plus redoutable lorsqu’il s’agit d’un écrivain, dont le travail confine au subliminal, à l’imperceptible. L’expérimentée cinéaste polonaise Agnieszka Holland tente le coup face à un monstre sacré, Franz Kafka.
Mais il ne suffit pas d’avoir trouvé son sosie quasi parfait (l’acteur tchèque Idan Weiss). Le film suit linéairement l’existence de l’écrivain, de sa jeunesse à sa mort, et l’on en restera globalement aux seuils et motifs les plus connus, sinon convenus, de sa vie : l’écrasant père tyrannique, les fous rires du jeune employé d’assurances, les valses-hésitations de ses amours toujours reportées, comme si importait avant tout, dans ce cadre, l’activité épistolaire, les lettres plutôt que les sens. Ne manque pas au tableau le cancrelat de La Métamorphose, qui court durant un déjeuner sur la table familiale. Jamais ici Kafka n’écrit. Tout au plus fait-il une lecture ou deux dans des salons.