Cette semaine, « Le Monde des livres » vous conseille la lecture du nouveau roman d’Alain Ferry, bien plus que les souvenirs de l’Algérie de son enfance ; d’une anthologie d’essais introspectifs méconnus de Thomas Mann, dans lesquels il se montre expert dans l’analyse de soi ; du premier roman de la Britannique Rachel Cockerell, qui retrace plus d’un siècle d’histoire familiale, et d’histoire du sionisme, entre Bâle, New York et Londres ; du roman de Pierre Péju dans lequel il évoque sa mère, résistante, et les ressorts de l’héroïsme ; enfin de l’essai de Juliette Speranza dans lequel elle donne la parole à dix représentants de minorités et invite à créer du commun.
ROMAN. « 26, rue Desaix », d’Alain Ferry
Le livre aurait pu s’intituler Héritage, comme celui de Benno von Archimboldi dans 2666, de Roberto Bolaño (éd. Christian Bourgois, 2008). Il aurait également pu s’appeler Il Romanzo di una cucitrice (Le roman d’une couturière), comme le tableau (1908) d’Umberto Boccioni représentant une jeune femme lisant devant sa machine à coudre. Héritage aurait mis l’accent sur un livre fait de livres et sur les lectures gargantuesques de l’auteur. Le titre Le roman d’une couturière aurait insisté sur l’histoire qu’Alain Ferry laisse filtrer du prodigieux bouillon de culture qu’il a concocté dans 26, rue Desaix, l’adresse de sa tante, couturière à Bône, en Algérie, aujourd’hui Annaba.
Ce livre a quelque chose de monstrueux, d’abord par son volume, puis à cause de ses prolégomènes, préambules, préliminaires, avant-propos, avertissements, appendices, addenda, suppléments, notes et digressions. Mais les maîtres livres ne sont-ils pas un peu monstrueux ? Et si les livres monstrueux ne sont pas tous des maîtres livres, ils témoignent tous d’une passion, ou d’une folie. Celle d’Alain Ferry l’attache à sa bibliothèque – ainsi qu’au corps féminin, l’autre obsession de ces pages.
L’éditeur a eu le courage de publier ces près de 800 pages. Mais les lecteurs de 26, rue Desaix gonfleront à l’image de ce livre plein de livres et gros d’une belle histoire et de personnages mémorables. Après tout, le roman de Benno von Archimboldi, « à la surprise générale, continua de se vendre, et on en fit une deuxième édition ». Souhaitons ce sort au roman de la couturière. An. C.