Ukraine : le péril pour l’Europe d’un axe Trump-Poutine

L’histoire bégaie. L’agitation suscitée par la nouvelle initiative de négociations préparée par les Etats-Unis et la Russie place une nouvelle fois les Ukrainiens et les Européens sous forte pression. Concessions territoriales au profit de Moscou, réduction de l’armée ukrainienne et de ses armements, non-adhésion à l’OTAN, non-déploiement de troupes otaniennes en Ukraine, le plan a été révélé par voie de presse, mercredi 19 novembre. Il fait la part belle aux exigences russes, dans la perspective, encore lointaine, d’une cessation des combats, après bientôt quatre ans de guerre.

C’est la quatrième fois depuis son premier appel avec Vladimir Poutine, peu après son retour à la Maison blanche, que Donald Trump, qui ne cesse de souffler le chaud et le froid sur l’Ukraine, précipite le dialogue avec le maître du Kremlin dans le dos de Kiev et de ses alliés européens, au nom d’un incertain rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie.

A chaque fois, comme après le fiasco du sommet d’Anchorage, le 15 août, la tentative a tourné court, en raison de l’intransigeance du président russe, qui refuse, à la différence de son homologue ukrainien, toute perspective de cessez-le-feu. Ses troupes progressent sur le front et n’en finissent pas de bombarder les villes et les infrastructures énergétiques ukrainiennes, au prix de très nombreuses victimes civiles.

A chaque épisode de ce funeste feuilleton, Volodymyr Zelensky et les dirigeants européens sont mis devant le fait accompli, puis se mobilisent pour inverser le cours des choses. Aujourd’hui, les uns et les autres sont de nouveau pris de court par cet énième revirement du président américain, dont l’administration venait de sanctionner deux fleurons de l’industrie pétrolière russe.

En effet, à part quelques contacts indignes d’une concertation sérieuse entre alliés, Kiev et les capitales européennes ont encore été tenus à l’écart de la conception du plan, pilotée par l’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, et l’émissaire du Kremlin, Kirill Dmitriev, patron du fonds souverain russe. Il fait peu de doute que cette démarche cherche à tirer bénéfice de l’affaiblissement du président ukrainien qui fait face à un scandale de corruption dans le secteur de l’énergie, lequel a déjà emporté deux de ses ministres et ébranle comme jamais son administration.

Certes, Volodymyr Zelensky s’est dit prêt, jeudi, à discuter du projet avec Donald Trump. La Maison Blanche a fait savoir qu’il s’agissait d’un « bon plan à la fois pour la Russie et pour l’Ukraine » – sa mise en place serait supervisée par un « comité pour la paix » présidé par le président américain, sur le modèle retenu pour Gaza.

Le dirigeant ukrainien a déjà fait preuve de pugnacité face à la politique d’apaisement prônée par le président républicain, depuis leur rencontre houleuse dans le bureau Ovale en février. Mais, en raison de ses difficultés, il va plus que jamais avoir besoin de ses partenaires continentaux pour contrer cette nouvelle offensive diplomatique.

S’ils se montrent à juste titre exigeants au sujet de la lutte contre la corruption, les Européens ne doivent pas se tromper de priorité. Ils doivent continuer à refuser la perspective d’un plan imposé à l’Ukraine, qui aurait les allures d’une « capitulation », comme l’a déclaré, jeudi, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Une capitulation qui serait aussi celle de l’Europe, tant ses intérêts de sécurité sont désormais liés à ceux de l’Ukraine face à la Russie de Vladimir Poutine.

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