Un étrange parfum de déjà-vu flotte autour des négociations supposées mettre fin à la guerre en Ukraine. Le plan en 28 points actuellement discuté n’y fait pas exception. Il est en effet le produit fidèle de la doctrine soviétique de la négociation diplomatique, établie et pratiquée par Andreï Gromyko, qui, ministre des affaires étrangères de l’URSS de 1957 à 1985, y gagna le sobriquet de « Monsieur Niet ».
Cette doctrine de négociation tient en trois étapes. D’abord, formuler des revendications maximalistes, dénuées de toute légitimité objective, impossibles à accepter pour quiconque respecterait le droit international : exigence d’un repli de l’OTAN [Organisation du traité de l’Atlantique Nord] aux frontières de 1997, négation de la souveraineté de l’Ukraine, caractère « non négociable » des annexions russes… Il ne s’agit pas de propositions d’ouverture, mais d’un choc initial destiné à déplacer l’ensemble du cadre du débat – ce que les théories de la négociation appellent un « effet d’ancrage ».
Ensuite, adopter une posture de rigidité absolue. En public, aucune concession n’est envisageable. Les rares gestes d’ouverture sont réservés aux coulisses, soigneusement distillés et immédiatement monnayés au prix fort : accord céréalier temporaire, échange de prisonniers, restitution de corps de soldats décédés. Chaque geste est présenté comme un sacrifice considérable de la Russie, qu’il conviendrait de récompenser par un allégement des sanctions ou par la reconnaissance implicite des gains territoriaux.
Enfin, et c’est l’essentiel, compter sur le temps et les divisions occidentales pour obtenir gain de cause. Andreï Gromyko disait en substance : « Il y aura toujours quelqu’un à l’Ouest pour céder ; il suffit d’attendre. » Il misait alors sur les mouvements pacifistes et les dissonances intra-occidentales. Vladimir Poutine investit aujourd’hui dans la polarisation politique : soutien à des forces politiques extrémistes, désinformation massive, tentatives de manipulation des élections dans le camp démocratique.