Les êtres humains les plus intéressants sont ceux qui ont un conflit intérieur. Cela peut engendrer de grands artistes. Les calmes, les paisibles, les tranquilles créent plus volontiers des enfants. Paul Verlaine (1844-1896) en a eu un, mais avec la plus grande indifférence. Il s’est mieux occupé de ses livres, en perfectionnant son douloureux et délicieux conflit.
Celui-ci n’est pas flagrant au premier regard. Verlaine le dissimule par le charme. Cet air de feuille d’automne qui volette, hésitant entre le ciel et le sol. Vers le ciel : « Les donneurs de sérénades/ Et les belles écouteuses/ Echangent des propos fades/ Sous les ramures chanteuses. » Vers le sol : « Et je hais toujours la femme jolie,/ La rime assonante et l’ami prudent. » Caresses et gifles se rassemblent parfois dans un même poème, lequel manifeste alors une lucidité hautaine à rendre Charles Baudelaire (1821-1867) jaloux. « – Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?/ Toujours vois-tu mon âme en rêve ? – Non. » Avec Verlaine, on n’est jamais sûr. De là son art poétique, dont on trouve toutes les versions, en prose et en vers, dans les nouveaux volumes de « La Pléiade » : il consiste à préférer l’impair.