Céline Philippe, l’alchimiste de la couleur végétale

Accroupie dans la terre humide, Céline Philippe déterre une grosse pomme de terre de ses mains discrètement tachées par les tanins qu’elle manipule quotidiennement. « Avant, c’était un champ de patates, alors il en pousse encore çà et là », explique-t-elle en replaçant le tubercule dans le sol. Cette ancienne avocate a travaillé comme juriste au CHU de Lyon pendant une vingtaine d’années, avant de démissionner, en 2020, pour se consacrer à la teinture végétale.

Elle s’est installée dans une petite commune rurale de Saône-et-Loire, à 600 mètres d’altitude, dans ce qui était jusqu’alors sa maison de campagne : une ruine en pierre acquise en 2008 et retapée dans une démarche écologique (sobriété, panneaux solaires, toilettes sèches). L’achat du champ voisin lui a permis d’agrandir son jardin. Elle laisse volontairement ce terrain de 5 000 mètres carrés dans un état semi-sauvage, à l’exception d’un morceau de parcelle consacré à son potager.

Tout autour, une grande variété de fleurs et de plantes s’épanouit librement. « C’est mon refuge », annonce-t-elle, enroulée dans un manteau ample bleu marine, les cheveux relevés en chignon improvisé. « Mais ce n’est pas un jardin tinctorial, précise-t-elle. Ce qui m’importe, c’est d’abord la biodiversité. J’ai semé des plantes à fleurs, des plantes aromatiques et des arbres, d’autres ont poussé naturellement. Dans tout ça, il y a des feuilles, des racines et des écorces dont je me sers pour teindre les fibres textiles. »

Elle désigne des plants de rhubarbe, un indigotier et des betteraves, qu’elle utilise pour ses décoctions et ses mixtures. Lorsque les quantités sont insuffisantes, elle complète en faisant quelques emplettes chez son maraîcher. Elle commande aussi des plantes sèches ou sous forme d’extraits chez un herboriste et s’arrête quelquefois sur le bord de la route pour cueillir une brassée de feuilles de renouée du Japon.

Lorsqu’elle passait ses journées assise derrière un ordinateur, Céline Philippe a souffert d’être privée de ce contact avec la nature. Elle profite donc de chaque instant passé au milieu de la végétation. Qu’il neige ou qu’il vente, elle enfile ses chaussures de marche et part se promener en forêt avec Plume et Lou, ses deux lévriers. Au retour, elle aime se poser au coin du feu avec une tisane de feuilles du jardin. Son atelier se situe dans l’ancien grenier de la maison, sur deux niveaux, dont une vaste pièce sous les combles baignée de lumière.

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