L’écrivain Yannick Haenel a lancé, en 2024, une excellente revue de littérature sous le nom prometteur d’Aventures (Gallimard, trois numéros parus) et voilà qu’il inaugure à la même enseigne une nouvelle collection de livres, poursuivant en cela une tradition ancienne chez Gallimard, si l’on songe aux « Cahiers du chemin » de Georges Lambrichs ou à « L’Infini » de Philippe Sollers. Les deux premiers titres qu’il fait paraître, simultanément, ont en tout cas la fraîcheur un peu provocante de la nouveauté, voire de la pure performance d’écriture : Drama Doll, de la jeune artiste Rose Vidal (208 pages, 20 euros, numérique 15 euros), et Les Mouvements de l’Armée rouge en 1945, de Julien de Kerviler.
Qui donc est ce dernier ? On pourrait croire, en découvrant son livre, que nous avons entre les mains le premier roman d’un aventurier inconnu, dont on nous dit qu’il a vécu de nombreuses années en Chine avant de revenir en France, où il serait aujourd’hui professeur, à Dreux (Eure-et-Loir). C’est à demi-vrai, puisqu’il a déjà fait paraître assez discrètement quelques textes singuliers, qui témoignent en effet d’un tropisme chinois particulier et d’un goût littéraire qu’on devine sûr, doublé d’une certaine malice qui n’est pas pour nous déplaire. Quoi qu’il en soit, la note liminaire des Mouvements de l’Armée rouge en 1945 annonce crânement l’origine des citations que l’on est supposé y retrouver, en provenance de Jorge Luis Borges, Arno Schmidt, Shen Congwen, W. G. Sebald, Mo Yan… Autant dire que le pari est osé, de se mesurer à de telles références, qui nous rendraient presque méfiants quant aux prétentions de l’auteur.