Rendre compte de 38, rue de Londres, la nouvelle enquête historique de Philippe Sands, après Retour à Lemberg et La Filière (éd. Albin Michel, 2017 et 2020), place le journaliste dans une situation délicate. S’il en dévoile les divers dénouements – quel rôle a joué l’ancien officier SS allemand Walther Rauff dans la dictature d’Augusto Pinochet ? Comment ce dernier a-t-il pu rentrer au Chili, après plus d’un an de procédures judiciaires au Royaume-Uni ? –, il gâche le plaisir du lecteur, que l’écrivain et avocat franco-britannique tient en haleine avec maestria. S’il n’en dit rien, il ne rend pas justice à la recherche rigoureuse dont procède ce livre, et aux résultats tangibles auxquels elle a abouti.
Codes du thriller d’un côté, codes de l’histoire de l’autre. Encore ne s’agit-il que de deux dimensions d’un livre qui touche aussi à l’autobiographie, à la théorie et à la pratique du droit international, à la chronique politique – à une forme de tourbillon, qui le définit. Même ses points de départ sont multiples. Par exemple, une lettre que l’auteur a exhumée en enquêtant, pour écrire La Filière, sur la cavale après-guerre d’Otto von Wächter, ancien gouverneur nazi en Pologne. Elle était signée par Walther Rauff, autre nazi en fuite, qui sommait son camarade de quitter l’Europe.