« Là, ce sera l’atelier, il y aura un grand banc tout autour, pour que l’on puisse s’asseoir et travailler. Ici, une petite pièce pour le stock et là-haut, ce sera mon appartement. » Dans sa future maison rêvée, encore en construction, Margaux Derhy tourne la tête vers un trou béant dans le mur nu. Si tout se passe comme prévu, dans quelques mois, une fenêtre y aura pris place, avec l’océan comme horizon. L’artiste de bientôt 40 ans attend avec impatience de pouvoir s’installer dans sa nouvelle demeure, perchée dans les hauteurs du village de Sidi R’bat, à 70 kilomètres au sud d’Agadir (Maroc), et d’y déplacer son espace de création.

Pour l’instant, les dix brodeuses qui l’accompagnent travaillent à quelques minutes en voiture, dans un local composé de quatre petites pièces. Trois d’entre elles ont été aménagées avec un métier à broder. La dernière, c’est celle du grand trésor des lieux où des centaines de bobines de différents fils colorés ont été entreposées. La façade de l’édifice a été peinte en bleu, que l’on qualifierait bien de Majorelle tant la ressemblance avec le jardin de Marrakech est grande. Elle est ornée d’un sigle jaune, inspiré d’un motif amazigh. L’atelier se trouve au premier étage de la maison d’Aïcha Joutt, rencontre décisive qui a impulsé Massa Stories en 2022.

Huit ans auparavant, le père de Margaux Derhy pose ses valises dans une villa en contrebas du village. Il y passe une partie de l’année, sa fille le rejoint régulièrement et, de plus en plus, monte le désir de ne pas simplement y être, mais de s’y établir et d’y faire, collectivement. « Quand j’ai commencé à peindre, je me disais : “Je ne pense qu’à moi, je n’essaye que de m’aider moi, de me réparer, il n’y a qu’à moi que ça fait du bien.” Etre artiste, c’est trop égocentrique. » Elle se demande ce que signifie être engagée : cela se résume-t-il à avoir des sujets féminins lorsqu’on est féministe ?