Vous ne devriez pas avoir ce roman en main. Quand Mathieu Belezi l’a achevé, en 2019, aucun éditeur n’en a voulu, y compris ceux qui avaient publié ses livres précédents. Il s’appelait alors A la dérive. Il paraît aujourd’hui sous le titre Cantique du chaos, dans une version profondément remaniée, mais, à lire ce premier manuscrit, que « Le Monde des livres » s’est procuré, l’évidence s’impose : c’est, pour l’essentiel, le même livre. Histoire d’une fuite dans un monde en proie au chaos climatique et au retour universel du totalitarisme, il était porté, dès ce premier démarrage, par le même souffle, la même langue incandescente, comme sidérée par l’horreur et la beauté de la condition humaine.
Six ans et un miracle nous séparent de cette débâcle éditoriale. Non seulement Mathieu Belezi a retrouvé un éditeur – Frédéric Martin, fondateur du Tripode, devenu en janvier directeur général des éditions Robert Laffont –, mais le livre qu’il a écrit ensuite, Attaquer la terre et le soleil (Le Tripode, 2022), plongée étourdissante dans la colonisation de l’Algérie, qui a reçu le Prix littéraire Le Monde et le prix du livre Inter, s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires à ce jour, toutes éditions confondues.