Il y a ceux qui s’en servent pour classer leur courrier en attente ou faire sécher leurs assiettes, ceux qui n’en voient pas l’utilité et ceux qui ne peuvent pas s’en passer. L’incontestée Mrs Beeton (1836-1865), qui s’y connaissait en bonnes pratiques domestiques britanniques, appartenait sans doute à la troisième catégorie.

Bien faire du pain grillé nécessite, pour la gourou de l’organisation ménagère du XIXe siècle, « beaucoup d’attention, bien plus que ce que l’on suppose généralement ». Elément indispensable à la réussite des tartines grillées, il obéit à un strict mode d’emploi, ne souffrant aucun contretemps. « Dès que chaque morceau est prêt, il doit être placé dans un porte-toasts et servi immédiatement à table », écrit-elle dans son Book of Household Management (« livre de gestion ménagère », non traduit), paru en 1861.

L’objet, comme un gros ressort horizontal sur pieds, permet de séparer chaque tranche à la verticale et de les faire respirer une fois dorées. « C’est un utilitaire tout simple, mais qui apporte à lui seul quelque chose d’exceptionnel à la table et permet au pain de rester toujours croustillant », explique Aline Julie Hubschmid, fondatrice de Maison Pastis, qui en produit quelques modèles avec cloisons en céramique, inspirés de « l’époque victorienne », explique-t-elle.

Le Victoria and Albert Museum, South Kensington, à Londres, en possède quelques spécimens, de toutes tailles, en fer, en argent, en acier de Sheffield ou en terre, avec ou sans saupoudreur de sucre intégré. « Apparues dans les années 1780, les habitudes culinaires de la classe moyenne devenant plus raffinées, les porte-toasts se déclinaient en divers modèles, notamment des supports articulés, avant que les arches parallèles ne deviennent la norme », est-il expliqué dans la notice de l’un des modèles de style néoclassique du musée, visibles sur rendez-vous.

Ainsi ventilé, le pain grillé perd quelques degrés, mais, outre-Manche, la question de savoir si une parfaite tartine grillée se mesure à son craquant ou à sa chaleur est tranchée depuis longtemps. « Les Anglais préfèrent leurs toasts secs et froids plutôt que moites et chaleureux, écrit l’anthropologue Kate Fox dans Watching the English : The Hidden Rules of English Behaviour (2004), comme le toast américain, qui manque de réserve et de dignité en se présentant trop transpirant, mou et sans retenue. »

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