Les boucles Telegram se sont animées dès l’aube. De petits groupes tentaient de se réunir pour appliquer le mot d’ordre de la journée : « Bloquons tout. » Mais des portes du périphérique aux dépôts de bus de la RATP dans la capitale, des ronds-points aux infrastructures de transports partout en France, les manifestants se sont très vite heurtés au déploiement des forces de l’ordre. Le jour n’était pas encore levé que les grenades lacrymogènes pleuvaient déjà pour contrer toute tentative de blocage. Quatre-vingt mille policiers et gendarmes étaient mobilisés, selon le ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau.
La France ne s’est pas retrouvée bloquée ni à l’arrêt, mercredi 10 septembre. Pour autant, de nombreuses actions ont eu lieu toute la journée partout dans le pays, avec des rassemblements d’ampleur dans certaines villes. Le ministère de l’intérieur a recensé 596 rassemblements sur la voie publique et 253 blocages, réunissant quelque 197 000 personnes à travers la France. La CGT annonce pour sa part 250 000 manifestants. Au total, 540 interpellations ont été effectuées, dont 211 à Paris, et 415 personnes ont été placées en garde à vue, dont 110 dans la capitale, selon le ministère de l’intérieur.
Né sur les réseaux sociaux dans l’été et ourdi loin des syndicats ou des partis politiques, Bloquons tout a regroupé des mécontentements hétérogènes. Une agrégation de colères protéiformes fragmentée selon les territoires. Le soutien affirmé de La France insoumise (LFI) depuis fin août a clairement eu son influence, notamment dans les grandes villes et les métropoles, avec une jeunesse particulièrement mobilisée – selon l’éducation nationale, une centaine de lycées ont été perturbés et 27 ont été bloqués en France. Le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, s’est d’ailleurs rendu sur plusieurs lieux de rassemblement à Paris, notamment à l’assemblée générale des cheminots de SUD-Rail, gare de Lyon.