On aurait pu rêver meilleures circonstances pour ce 75e anniversaire. Créée en 1949 comme ossature de la défense de l’Europe à peine relevée de la seconde guerre mondiale, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord a fêté en cette semaine de juillet à Washington ses trois quarts de siècle d’existence dans un climat lourd de menaces sur fond d’agression russe, au cours d’un sommet marqué par les interrogations sur la solidité de plusieurs de ses dirigeants.
La fin de ce sommet de deux jours, jeudi 11 juillet, a été dominée par l’épreuve que s’est imposée le président de la première puissance de l’Alliance atlantique, Joe Biden, 81 ans, pour tenter de lever les doutes sur sa capacité physique et intellectuelle à solliciter un second mandat. Il n’y est pas totalement parvenu.
Parallèlement, le président Emmanuel Macron s’attachait, lui, à esquiver les questions sur les incertitudes de sa situation politique intérieure, tandis que son collègue allemand, le chancelier Olaf Scholz, traînait une encombrante réputation de faiblesse chronique due à la paralysie de sa coalition.
L’ombre de Donald Trump, que les sondages actuels donnent gagnant à l’élection présidentielle du 5 novembre, a évidemment plané sur cette réunion, avec toutes les menaces que son retour à la Maison Blanche comporterait pour la cohésion de l’Alliance et la fiabilité de ses engagements.
C’est sur le défi le plus concret et le plus immédiat, celui de la guerre que livre la Russie à l’Ukraine, que l’OTAN était le plus attendue. Les dirigeants des 32 Etats membres ont annoncé une série de mesures qui vont aider les forces ukrainiennes à mieux se défendre face à des forces russes soutenues par un gigantesque effort de guerre. Les premiers avions de chasse F-16 promis vont être opérationnels dans le ciel ukrainien cet été ; une enveloppe de 40 milliards de dollars va contribuer à financer l’aide militaire en 2024 ; cinq nouveaux systèmes de défense antiaérienne, dont quatre de type Patriot, vont être fournis. Surtout, l’OTAN va prendre en charge la coordination de l’aide militaire à l’Ukraine, ce que les Etats-Unis avaient refusé jusqu’ici, lui préférant un format ad hoc de coopération des alliés de l’Ukraine, appelé format « Ramstein », afin d’éviter de donner l’impression d’un affrontement direct OTAN-Russie.
Si toutes ces mesures sont utiles et bienvenues, elles sont insuffisantes. Elles justifient le reproche souvent entendu à Kiev à propos de l’assistance occidentale depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022 : « Elle nous permet de survivre, pas de gagner la guerre. » Ce refus d’obstacle est particulièrement notable sur la question du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, toujours repoussé. Encore une fois, les alliés ont trouvé une formule abstraite – « une voie irréversible » vers l’adhésion – qui n’engage à rien.
L’OTAN a par ailleurs adressé un avertissement à la Chine, pour la première fois accusée de jouer un « rôle déterminant » dans l’effort de guerre russe, mais la volonté de Washington d’étendre le domaine de l’OTAN à l’Asie est loin de faire l’unanimité en Europe.
Pour le chancelier Scholz, les décisions prises offrent à l’Ukraine « la clarté dont elle a besoin ». C’est une vision très optimiste des choses. Il est à craindre que le seul à voir clair dans les limites de cette aide à l’Ukraine, livrée sous la pression, sans stratégie commune vraiment lisible, soit le président russe, Vladimir Poutine.