Elle voudrait que quelqu’un vienne nettoyer les taches brunâtres qui constellent le pallier et le mur extérieur de son logement. Elle n’en peut plus de les voir à chaque fois qu’elle franchit le seuil de chez elle, mais elle n’arrive pas à le faire elle-même. Depuis le 8 septembre, quand le soir tombe, elle ne tient pas en place, elle a besoin d’être ailleurs, ailleurs que dans sa maison où elle a entendu, ce jour-là, un cri déchirant. Elle a tout de suite dit à sa fille d’appeler la police, puis a tambouriné à la porte d’Inès Mecellem, 25 ans, la gentille et discrète travailleuse sociale qui vivait de l’autre côté de sa cloison. Elle a entendu des frottements et des gémissements. Elle a tapé encore plus fort sur la vitre : « Ça va, Inès ? Inès, ouvre ! » Un homme a fini par en sortir, un couteau à la main. Il l’a bousculée, s’est échappé dans la rue en contrebas.
Inès gisait au sol, encore consciente, dans une mare de sang. « Il y en avait tellement, je ne savais pas quoi faire, je n’ai pas osé toucher ses plaies », s’excuserait-elle presque en triturant nerveusement la bague autour de son index, les yeux embués. La voisine crie à sa fille qu’il faut une ambulance, vite, que c’est grave. Inès respire très fort, s’enfonce. Elle lui tient la main et tente de la retenir. « C’est bon, Inès, ça va aller, les secours arrivent. » La police d’abord, puis les urgentistes. Ils se battent, la transfusent, font tout pour la ramener. « 18 h 15 », dit un soignant : l’heure du décès d’Inès, tuée le 8 septembre, par Habib, son ex-compagnon, qu’elle avait quitté quelques mois plus tôt et contre lequel elle avait déposé cinq fois plainte en six semaines au commissariat de Poitiers.