Bien ancrée dans l’opinion et avérée par les historiens, une légende urbaine voudrait que Louis XVI, roi des Français, ait été guillotiné par le bourreau Sanson et ses aides, à 10 h 22, le lundi 21 janvier 1793, place de la Révolution (dite aujourd’hui « de la Concorde »). Chanson que tout cela ! En tout cas si l’on suit, en son évidence ironique et sa pétillance verbale permanente, Louis Capet, suite et fin (Seuil, 2005, pour l’édition originale), de l’écrivain valaisan Jean-Luc Benoziglio (1941-2013). Une uchronie, « basée sur des archives inédites », aussi savamment agencée qu’un coucou suisse et gai à lamper comme un déci de fendant.
Le POD, point de divergence, pivot narratif de toutes les uchronies, l’instant qui voit l’histoire bifurquer, se situe le 17 décembre 1792. Ce jour-là, la Convention condamne, par 387 voix contre 334, Capet à mort, mais au trépas « blanc » de l’exil. Qu’en faire ? Personne n’en veut, ni les Anglais, ni ces ingrats d’Américains, ni les Russes, pas plus que les Espagnols ou les Portugais. Sainte-Hélène ? La place est optionnée. L’espoir renaît grâce à la Suisse. Les Bernois acceptent de se charger du ci-devant monarque, mais sans bruit et à moindres frais. Capet débarque donc un jour à Saint-Saphorin, village en pente, viticole et d’élevage, sis sur les rives du Léman. On l’y case en haut de la commune, dans une grande bicoque en désordre et pleine de rats. Solitaire et mutique, mais d’une dignité impeccable, subissant sans trembler les brocards des manants et l’avarice des autorités, il sirote, renoue avec la serrurerie et engage avec sa servante Aline une idylle paisible. Bourgeois locaux ou royalistes fieffés, ceux qui tenteraient de raviver les braises du monarchisme dans son cœur mélancolique, de sortir l’ours de sa grotte, en seront pour leur frais. Néo-Capet est un autre homme. Le 31 janvier 1798, on le retrouve au pied des marches qui mènent à son atelier, nuque brisée. Capet, clap de fin.